BLOCKCHAIN : AVANCEZ, MAIS NE FONCEZ PAS TÊTE BAISSÉE !

in blockchain •  6 years ago 

Interview de Benoît Tancredi (Micropole Belgium - Blockchain Lab by Micropole) par Alain de Fooz, originellement publiée sur Solutions Magazine le 7 septembre 2018.

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Début 2018, Micropole Consulting Belgium a lancé le Lab Blockchain, une centre de compétence à l’échelle du groupe. Après six mois d’activité, quel premier bilan dressez-vous ?

Un réel intérêt du marché. Peut-être même un trop grand intérêt. Je veux dire par là que nombre d’organisations attendent trop de la blockchain… Il faut raison garder. La blockchain est un buzzword, parfois utilisé de façon exagérée par les porteurs de projet. Il faut vraiment penser quand et où la blockchain a vraiment une valeur ajoutée pour l’organisation.

… Ce ne serait pas le cas ?

Soyons clairs, la blockchain est un moyen, pas une finalité. Certains processus peuvent fort bien être automatisés sans pour autant recourir à cette infrastructure. C’est donc bien une analyse technique et économique qu’il faudra réaliser préalablement afin d’arrêter le choix le plus pertinent. Dans la banque, par exemple, on peut d’ores et déjà automatiser avec profit un processus d’octroi de crédit sans blockchain. En revanche, on imagine des bénéfices complémentaires à disposer de moyens de dépôt de documents certifiés dans le cadre de ce processus, qui pourraient favorablement et à moindre coût être supportés par des mécanismes de blockchain. C’est donc à une analyse à la fois globale et profonde, mais aussi technique, métier et économique, qu’il s’agit de se livrer pour identifier les cas réels d’usage. Et, comme pour toute innovation, chercher le business model avant de penser techno !

Le 13 juin dernier, Micropole participait à la conférence ‘Blockchain, du mythe à la réalité’ de Technifutur. Avez-vous pu, à cette occasion, évaluer précisément la perception public pour cette technologie ?

Oui, absolument. Il en résulta des échanges très intéressants, certains enthousiastes, d’autres moins. De façon générale, la blockchain sera à la transaction ce qu’Internet est à l’information. Comme toute nouveauté, elle nourrit bien des fantasmes, à commencer par celui de la désintermédiatisation. Si l’une des promesses de la blockchain est de pouvoir, lorsque l’on veut faire une transaction, se libérer du joug d’une tierce personne, qu’elle soit physique ou digitale, cela ne signifie pas pour autant la fin des intermédiaires; créer de la confiance sans autorité centrale ne veut pas dire sans gouvernance…

Plus précisément, quelle est votre vision du marché ?

Fondamentalement, la blockchain apporte transparence, rapidité, fiabilité et automaticité dans le processus des transactions. Cette valeur technologique peut constituer une réponse idoine aux enjeux de nombreuses organisations, privées ou publiques, dans différents secteurs. Cela dit, l’immensité du champ d’application de la blockchain ne suppose pas pour autant qu’on puisse y recourir pour tout et n’importe quoi et, surtout, sans se poser la question du modèle à adopter et de la forme de gouvernance à mettre en œuvre. Ainsi, tous les usages ne nécessitent pas de recourir à la blockchain. Dans le secteur marchand, en particulier, les promesses d’automatisation laissent entrevoir des perspectives de réduction des coûts et de fluidité de certaines transactions dont, in fine, pourraient bénéficier les consommateurs, mais qui supposent également des acteurs commerciaux une capacité de transformation importante. L’ont-ils ? C’est toute la question. En Belgique comme au Luxembourg, il faut distinguer les entreprises qui ont le pouvoir de décision et celles qui l’on pas. Les premières, souvent d’origine familiale, sont généralement conservatrices, donc relativement frileuses; les secondes, en tant que filiales, dépendent d’une maison mère qui analysera le pouvoir disruptif de la solution au niveau global. N’empêche, l’intérêt est là, on sent la volonté; à nous de la canaliser, à nous de guider les organisations. C’est actuellement notre première tâche même si nous avons déjà des projets en cours, notamment dans l’assurance…

Vous dites aussi évangéliser ?

Oui, c’est un travail de longue haleine… Trop d’initiatives, aujourd’hui, finissent à la poubelle ! En cause, la précipitation dans laquelle les projets sont lancés. Alors que la part de gouvernance est importante, elle est souvent sous-estimée. Ne précipitez rien ! Prenez le temps de parfaitement définir le projet soit pour aboutir, soit pour sauver l’équipe, donc l’entreprise, d’une charge de temps, d’argent et d’énergie parce qu’il apparait que vous n’avez pas besoin du tout de la blockchain ! Pas d’empressement, pas d’entêtement surtout : il arrive que la blockchain ne soit pas transposable en l’état, que des ajustements soient nécessaires pour adresser des problèmes existants. Ne perdez pas de vue que de nombreux projets innovants peuvent être parfaitement mis en œuvre en utilisant une base de données relationnelle traditionnelle… Pourquoi vouloir tout bousculer ? Pourquoi tout remettre en question ? Franchement, il s’agit de rester prudent, d’avancer, mais sans foncer tête baissée.

Pourquoi insistez-vous sur la gouvernance ?

Si, en matière de blockchain, les gains peuvent être importants, les risques ne sont jamais négligeables. Alors que la complexité, voire l’impossibilité de modifier les données est l’un des attraits majeurs de la blockchain dans le cadre de la sécurisation des transactions ou de leur traçabilité, cette permanence est en revanche en contradiction avec le GDPR, le règlement européen qui acte le droit à l’effacement des données à caractère personnel. C’est un exemple. Bref, avant de vous lancer dans un projet, vous devez pouvoir identifier de façon très claire les raisons pour lesquelles utiliser la technologie !

Trop d’empressement, donc ? Pas assez d’analyse ? Pourquoi ?

Que ce soit à travers les événements auxquels nous participons, comme celui de Technifutur en juin, ou dans les organisations même, je ressens cet empressement, ce besoin de concrétiser au plus vite la transformation digitale à laquelle, d’ailleurs, personne n’échappera. De ce fait, la révolution numérique pousse les entreprises à expérimenter de nouvelles technologies, à défier les nouveaux environnements IT et redéfinir les usages… AI, blockchain, robotic software, machine learning : si ces technologies sont appelées à bouleverser les règles et la frontière entre les métiers et le système d’information, encore faut-il pouvoir créer une harmonie entre stratégie, technologies et opérations.

L’exemple notarial est très intéressant. Le passage des actes authentiques à la blockchain nécessitera du temps à la fois pour des raisons techniques, puisqu’il faudrait changer toute l’architecture des systèmes d’information, et des raisons politiques, puisque la législation devra être modifiée. Si la blockchain certifie le document, cette technique n’effectue pas, et loin de là, toutes les missions d’un notaire. Par exemple, elle n’est pas à même de vérifier le consentement des parties ni leur compréhension des termes du contrat. Toute la valeur ajoutée du notaire réside dans les conseils qu’il dispense à ses clients en matière des dispositions successorales, d’union matrimoniale ou encore de tutorat et sa capacité à gérer des imprévus tels une préemption ou une action en justice, ce qu’un procédé informatique ne saurait faire…

Qu’en concluez-vous ?

La blockchain est une réelle technologie de rupture. Chez Micropole, nous pensons qu’elle révolutionnera les processus des entreprises à un horizon de cinq ans, à condition que celles-ci soient préparées à intégrer cette innovation d’un point de vue technologique, mais aussi humain. Ainsi, il est prioritaire d’anticiper aujourd’hui les problématiques que la blockchain engendrera demain. C’est notre mission !

Dans l’immédiat, nous continuons à évangéliser. A nous, sur base de nos compétence en transformation digitale, en pilotage des performances et de la gouvernance des données, de tracer le chemin pour les organisations, à saisir les opportunités économiques de la blockchain, mais aussi à cerner pour elles ses limites. Bref, les aider à comprendre ce qui est faisable… ou non.

Merci à Solutions Magazine pour cette interview.

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