Quelle a été la première préoccupation qui a agité les neurones de l’Humanité ? Au-delà des évidents besoins vitaux comme manger, boire, tuer des trucs, se faire tuer par des trucs et copuler joyeusement entre ADULTES CONSENTANTS (des bisous les Césars), on peut supposer que ça ressemblait à un genre de « Mais qu’est-ce qui fait donc que le monde est tel qu’il est, et suit ces règles ? Comment ? Pourquoi ? Oh tiens un loup, allons le domestiquer » et après quelques milliers d’années on se retrouve avec des chihuahuas partout bref, une horreur.
Mais la réflexion était lancée. Alors privé de science, l’Humain avait commencé à chercher des réponses à ses questions partout autour de lui. Ainsi naquirent une longue lignée et prédicateurs et autres prophètes, amenant chacun leur tour une Vérité Universelle différente de la précédente, déclenchant parfois des guerres pour décider de qui avait la meilleure. Et certains, notamment en Asie, adoptèrent des manières de concevoir l’Existence complètement mystiques, cherchant à se connecter à leur divin de toutes les manières possibles, en y sacrifiant parfois leur connexion au monde matériel.
Mais qui étaient réellement ces hommes ? Illuminés ? Authentiques prophètes ? Proto-junkies camés à la mort ? Et bien laissez-moi vous dire que Monuments s’en contre-carre royalement et marche droit dans leurs pas à la recherche du Nirvana en laissant derrière lui un chemin ensanglanté.
Accompagné de leurs compatriotes britanniques Heart of a Coward et du méconnu groupe australien I Built the Sky, John Browne et ses compères sont venus rendre visite au Petit Bain le 1er Mars dernier afin de nous présenter leur nouvelle voix, le jeune mais néanmoins talentueux Andy Cizek. Une épopée de quelques heures quelque part entre le déchaînement de violence et la transe mystique, Monuments nous a offert un voyage aux portes de la folie que nous avons vécu pour vous. Alors accrochez-vous bien mais surtout n’ayez pas peur, car même si vous n’en réchappez pas, le Samsara vous rappellera tôt ou tard…
- I BUILT THE SKY -
I Built The Sky @Le Petit Bain - Juliet Faure
La soirée s’ouvre avec ce petit groupe australien au nom évoquant des immensités dignes du grand et sacré Post-Rock. Mais ici point de nappes de guitares, point de crescendo majestueux, I Built the Sky évolue plus dans un math rock teinté de djent, mais très léger et mélodieux. Le batteur commence par entrer sur scène dans l’indifférence totale tandis que la bande se lance, juste avant que les lumières ne s’éteignent, et le public curieux mais encore peu nombreux du Petit Bain se tourne mollement vers la scène tel une bande d’éléphants de mer aux aguets.
D’un point de vue purement musical le groupe est à un excellent niveau. Les trois musiciens sont largement au niveau pour ce style de musique parfois un peu retors, les mélodies sont efficaces, voire planantes sur certains passages, tout est carré et à sa place, la qualité de la composition et de l’interprétation sont très vite établies. Le groupe semble manquer d’un second guitariste, les leads les plus répétitifs étant joués par la bande, mais cela ne fait que souligner la rigueur à toute épreuve du groupe qui retombe toujours pile sur le temps malgré la complexité rythmique et technique des compositions.
Mais la mise en scène manque encore de finesse. Le travail sur la light est globalement pauvre, et le chanteur peine à remplir le vide entre chaque morceau par sa seule éloquence (vide accentué par le fait qu’il doive changer d’accordage presque un morceau sur deux). Malgré cela, et comme souvent à cet horaire, le groupe semble s’éveiller petit à petit au fil du concert. Le chanteur finit même par vanner lui-même le manque de notoriété du groupe avec juste ce qu’il faut d’autodérision, tout en prenant ses aises sur scène.
Le concert finit en beauté avec un laborieux mais néanmoins choupidou « High Five Wall of Death » et un slam du chanteur en plein lead (de math rock, donc pas un enchaînement de powerchords a priori) assez impressionnant. Le public semble conquis par le groove de folie et les mélodies douces de I Built the Sky, ne manque qu’une attitude scénique plus détendue et dynamique que l’expérience saura sûrement apporter à la formation.
Heart of a Coward @Le Petit Bain - Juliet Faure
Mais en introduction je vous parlais certes d’une expérience mystique mais aussi d’un « chemin ensanglanté » (toujours dans la mesure, vous me connaissez), or même si I Built the Sky possède un groove indéniable, on est bien loin de ça. Mais pas d’inquiétude, car l’arrivée de Heart of a Coward fit immédiatement trembler le Petit Bain sur ses fondations (ce qui, pour une péniche, reste un tour de force).
Dès son entrée sur scène le groupe britannique retourne la salle comme un vieux pancake. Le morceau d’introduction amène avec lui une bagarre sans nom dans le pit, le public lançant les hostilités à peine les premières notes entendues. La musique de ce groupe de djent à l’esprit plutôt hardcore trouve son public sans aucun problème.
On entame alors une épopée à base de breakdowns qui tâchent, de transitions entre chant clair et scream d’une fluidité impressionnante, et de beaucoup trop de wall of death successifs pour une fosse de la taille du Petit Bain. A aucun moment la musique ne fait mine de baisser en intensité, enchaînant claque sur claque avec une efficacité presque surnaturelle. Le chanteur s’arrête à peine pour souffler entre les morceaux, pas le temps de briser le rythme, le show est inarrêtable.
Et quand je vous disais que la salle tremblait sur ses fondations, non seulement le sol de toute la pièce faisait des mouvements de haut en bas peu rassurants au rythme des mouvements de la foule, mais c’est bien vite toute la péniche qui s’est mise à tanguer dangereusement. Mais il en fallait plus pour arrêter Heart of a Coward qui, s’ils ont seulement senti cette légère perturbation, s’en sont sûrement amusés.
Un show tout en puissance d’une efficacité millimétrée, chaque morceau semblant plus énervé que le précédent, Heart of a Coward est une excellente découverte et une perle de live pour qui aime la bagarre la plus pure et les guitares accordées bas.
Setlist :
- Down in Ruin
- Ritual
- Collapse
- Shade
- Monstro
- Mouth of Madness
- Hollow
- Deadweight
Monuments @Le Petit Bain - Juliet Faure
Ainsi furent assemblées les deux moitiés d’un grand tout, la beauté légère de I Built the Sky et la violence irrépressible de Heart of a Coward mêlées dans un infini tourbillon de sensations. Et du cœur de ce chaos émergea le sommet de la pyramide, l’omnisciente présence, l’entité aux aguets au commencement et à la mort de tout. L’heure était venue d’accueillir Monuments.
Le groupe débarque un peu en retard mais attaque d’entrée de jeu au sommet de sa forme, capitalisant sur l’excitation laissée par Heart of a Coward derrière lui. Pendant plus d’une heure et demie le groupe nous livre son djent mystique influencé autant par le metalcore de début de siècle duquel il descend que par la musique mystique venue du très lointain orient. Les musiciens sont tous d’une rigueur irréprochable (nécessaire au jeu de ce genre de style très technique), et servis par une technique quasi parfaite offrant un son clair comme de l’eau équilibré de main de maître, laissant chaque instrument ressortir parfaitement à sa place. Mais la plus grande surprise de cette soirée se trouve derrière le micro de chant.
De loin, Andy Cizek ressemble à un jeune homme en fin d’adolescence, un peu maigrelet, timide mais poli et bien élevé (et il l’est sûrement). Drôle de casting en apparence, mais l’habit ne fait pas le moine et la grosse inconnue de ce set se retrouve bien vite en être la pièce maîtresse. Le chanteur possède comme ses collègues une technique carrée et sans faute, évidemment, les plus pointilleux déploreront peut-être la perte du growl profond de Chris Barretto mais la voix de son remplaçant remplit parfaitement le créneau.
Et même si ce n’était pas le cas, qu’importe ? Parce qu’au-delà de sa simple technique vocale correspondant parfaitement à la musique de Monuments, Andy est un frontman possédé vivant les morceaux qu’il chante, comme en transe mystique quand il hurle ses textes. Et toute la salle ne tarde pas à l’imiter, on peut voir ça et là des gens en communion avec les mélodies envoûtantes venant de la scène, pris de tremblements, les yeux révulsés (enfin je ne suis pas sûr d’en avoir vu, mais je ne peux pas être le seul à avoir atteint cet état, si ?).
Mais la force de Monuments ce ne sont pas seulement ses mélodies mystiques, ni son groove catchy à l’extrême, et pas non plus ses passages plus violents typiques du metal moderne dont il est issu. La vraie force de Monuments, c’est que tout ça arrive en même temps. Il n’est pas ici question de passages mystiques entrecoupés d’ultraviolence, l’ultraviolence EST mystique tout le long du show, à l’image d’un Gojira polyrythmique.
Sur la fin du concert tout est débridé, le chanteur se retrouve à scander ses refrains debout sur la foule qui continue sa communion avec le groupe. Se set s’achève sur A.W.O.L. et I, the Creator, deux morceaux incarnant à eux seuls toute l’expérience cérébrale offert par le groupe en live.
Monuments en concert est une expérience à vivre. Situé quelque part entre la transe encensée des prêtres d’extrême orient et les mosh pits des concerts de hardcore New Yorkais, ce voyage introspectif amène son auditeur aux limites de la conscience. Peut-être avons-nous tous touché du doigt ce que l’on appelle « Dieu » ce soir-là, peut-être qu’il faudrait que je me calme et que j’arrête de mettre autant de merde dans mes reports ? La vérité restera obscure…
Quoiqu’il en soit Monuments est toujours en pleine forme et bénéficie pleinement non seulement de sa nouvelle voix mais également du retour du batteur historique Mike Malyan. Le nouveau morceau Animus sorti il y a quelques mois et placé dans la setlist présage probablement de la sortie d’un nouvel album dans un futur plus ou moins proche, le premier porté par la voix d’Andy. Malgré ses déjà 10 ans d’expérience Monuments a toujours la hargne et la fougue des débutants, offrant une expérience de concert rare, une transe guerrière héritée des plus anciennes spiritualités, ou juste du djent ultra efficace avec des gammes orientales, c’est vous qui voyez.
Setlist :
- Blue Sky Thinking
- Leviathan
- Horcrux
- Mirror Image
- Animus
- Vanta
- 97% Static
- Empty Vessels Make the Most Noise
- Regenerate
- Origin of Escape
- Degenerate
- A.W.O.L.
- I, the Creator
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