À l'occasion de la journée promo de leur dernier album "Ascension", nous avons rencontré AM (guitare) et TC (chant) de Regarde les Hommes Tomber autour d'une table du Hellfest Corner, pour un interview... d'enfer, au sujet d'un album... à tomber.
Pochette d'Ascension - Regarde les Hommes Tomber
A : Votre prochain album, Ascension sortira le 28 février prochain, comment le définiriez-vous en quelques mots ?
AM : On a beau en avoir parlé toute la journée dans différents interviews, ce n’est jamais évident de parler de son propre travail… Ce que je peux te dire, c’est que c’est le troisième album du groupe, et qu’un troisième album est toujours important, car c’est compliqué de repartir sur des bases nouvelles quand on a déjà fait deux albums et qu’on a l’impression d’avoir déjà tout dit. Mais je pense que c’est l’album le plus aboutit et le plus sombre que l’on ait fait jusqu’à maintenant. C’est aussi parce qu’on a changé la direction artistique, c’est à dire qu’avant c’était l’autre guitariste qui composait beaucoup, cette fois-ci c’est moi, même si Regarde les Hommes Tomber est aussi et surtout un travail de groupe. Je pense qu’on est arrivés avec cet album là, à un album assez épique, ambitieux, avec des morceaux chargés, intenses, mais c’est très dur de décrire exactement ce que l’on fait. Ce qui est intéressant dans une journée promo comme celle-ci, c’est qu’on a pu avoir des retours de personnes qui nous ont dit que c’était notre album le plus réussi.
A : Avec votre album précédent, EXILE, vous marquiez un tournant dans votre musique, lui conférant des influences plus extrêmes, et un univers plus dramatique. Quels objectifs, que vous vous étiez donnés, considérez vous avoir atteint sur ce nouvel opus ? Considérez-vous avoir pris des risques ?
AM : Bah en fait si tu veux, je ne pense pas qu’on se soit donnés des objectifs. Les compositions de Regarde les Hommes Tomber est très instinctive, si tu veux. Après la sortie d’EXILE, on a fait quasiment trois ans de concerts, il a fallu qu’on se mette en retrait de la scène, qu’on se retrouve un peu nous-mêmes pour repartir sur de nouvelles bases. À ce moment-là, notre premier mot d’ordre était justement de composer de nouveaux morceaux, et le titre "A New Order" qu’on a sorti en promo, a donné la marche à suivre pour l’album. C’est-à-dire que le morceau suivant, "Regenate Son" est venu, et on s’est dit qu'on tenait la direction artistique pour l’album, donc on a continué dans cette voie-là. Mais en soit, le seul objectif que l’on se fixe à chaque fois, c’est de faire un truc qui nous plaise, c’est aussi simple que ça.
TC : On ne se fixe pas d’objectif à proprement parler. Ce qui est intéressant, c’est la mise en danger. C’est-à-dire qu’on voulait un peu sortir de notre zone de confort pour tripper sur des trucs qu’on n’a pas forcément l’habitude de faire et qui pouvaient quelque part dérouter, tout en restant cohérent avec ce que l’on faisait.
A : Quels genre de risques avez-vous pris, du coup ?
TC : Je pense notamment au chant, je me suis un peu extirpé de ce que je savais faire pour tester des trucs et j’ai trouvé ça assez concluant par la suite. Après, ce n’est pas moi qui en sera le juge. En tous cas je me suis fait assez plaisir sur ce plan là.
A : Considérez-vous cet album comme étant une ascension aussi pour le groupe ? Et qu’il y-a-t-il après l’ascension ? De quoi signe-t-il la fin et de quoi signe-t-il le début ?
TC : Vaste question ! (rires)
AM : En vrai, oui, il y a un petit peu de ça. C’est moi qui suis à l’origine du titre « Ascension », et il y avait une certaine forme de fierté de se dire qu’on arrivait avec un album qui est quand même un sacré morceau, et on est là pour tout exposer. C’était ça, en fait ! (rires) Dans Regarde les Hommes Tomber, il y a toute une dimension spirituelle à laquelle on est très attachés, et qui est très importante, à laquelle cela fait référence. Et derrière ce titre Ascension, il y a effectivement toute une mise en abime du groupe, qui est très drôle d’ailleurs puisqu’on s’appelle Regarde les Hommes Tomber, et que l’album c’est Ascension, qui implique de monter. C’est aussi un espèce cycle : je me suis dit que c’était super, cela permet de commencer l’ascension vers la chute, c’est l'ouroboros réellement, et on clôt avec cela le chapitre des précédents albums.
TC : En fait, il faut savoir une narration de l’homme qui fait suite aux deux précédents, ça raconte une histoire qui est écrite par Enock, qui est notre parolier qui a en fait, par le prisme des mythes judeo-chrétiens, trippé sur une histoire vraiment à part entière. C’est vraiment une création originale, il faut savoir ça.
A : Vous parliez de chute tout à l’heure. Mais si tout commence et termine avec une chute, quelle est votre chute à vous ?
AM : Si tu veux, moi je vais me raccrocher à mon interprétation de ce qu’est Regarde les Hommes Tomber, c’est que j’ai découvert et lu beaucoup de choses sur la kabbale juive, j’ai lu aussi beaucoup de textes concernant les chrétiens agnostiques, et en fait c’est marrant car je trouve qu’il y a une résonance avec Regarde les Hommes Tomber dans le sens ou la chute est vue dans la kabbale comme quelque chose de positif, dans la voie de la main gauche. C’est-à-dire que les religions monothéistes essaient de perpétuer le lien originel entre l’homme et le divin. Par exemple la religion chrétienne, tu as l'homme qui est au paradis et qui se fait chasser par la découverte de la connaissance et ce qui est intéressant dans le processus de la voie de la main gauche, c’est de devenir son propre dieu à travers la chute. C’est-à-dire que tu t’éloignes du divin pour chuter et aller en enfer, récupérer la connaissance, et t’émanciper de tout ça. c’est un peu la force sous-jacente et directrice de Regarde les Hommes Tomber, et du nom "Ascension", à mon sens. Les chrétiens agnostiques considèrent que dieu est un démiurge et que la figure divine est le mal, et que la figure du bien est disséminée et extrêmement fragile. Et je trouve que c'est hyper intéressant, parce que dans la religion chrétienne par exemple, on va parler de la compassion, qui est extrêmement importante : Jésus est mort aussi pour nos péchés, sauf que la compassion entraine forcément une notion sévère. Tu compatis, mais si tu n’est pas d’accord, cela peut entraîner extrêmement de sévérité. On voit ce qu’a pu faire la religion chrétienne en Europe à travers les massacres. Donc j'aime bien cette idée des chrétiens agnostiques, qui dit que la chute est une voie émancipatrice vers le fait de se trouver soi-même.
TC : Ouais, tu as tout résumé. (rires)
AM : Oui, je me suis un peu emporté ! (rires) Non mais sinon, dans Regarde les Hommes Tomber, il y a aussi une quête vers l’absolution, tous à genoux. Quand on joue en concert, on a aussi une espèce de truc, on regarde beaucoup en l’air… D’ailleurs, on a tourné avec un groupe Allemand qui nous a dit que c’était comme si on invoquait quelque chose, mais on s’inscrit dans notre propre syncrétisme.
Crédit Photo : David Fitt
TC : Et ça se sent, on le vit réellement, sur scène on n’a pas de pause, ce n’est pas de la chorégraphie, on vit la musique réellement. Et ce, avec toujours autant de détermination malgré tous les concerts qu’on a pu faire, on kiffe toujours autant ça.
A : Vous en parliez tout à l’heure, il y a une suite narrative entre vos albums, reprenant des récits bibliques. Comment choisissez-vous ces récits ? Sont-ce les récits qui précèdent l’écriture ou vous raccrochez les récits aux idées que vous avez déjà ?
TC : C’est Ennock du coup qui est à l’origine des textes. Il est assez libre là dessus, on lui demande seulement de se limiter à ce prisme des mythes bibliques, mais après il fait un peu ce qu’il veut, et c’est bien parce que nous, ça nous permet de nourrir un propos qui est intéressant. Et après c’est vrai qu’on lie la musique finalement à ces texte-là de manière cohérente.
AM : C’est vrai que pour certains, c’est le Verbe qui vient en premier, nous c’est la musique, et si tu veux, les concepts du groupe c’est né à partir de la musique. Au début de Regarde les Hommes Tomber, je ne composais pas les morceaux, je répétais, et je me suis créé tout un univers qui tournait par rapport au groupe, qui a pu se concrétiser par la suite avec la rencontre des artistes Fortifem. Et à travers ça, continue cette quête de renforcer l’univers du groupe et ce qui est intéressant c'est que notre parolier, si tu veux, Thomas, sur notre album, a un chant assez halluciné et ça me rappelle une sorte de prophète qui déclamerait les révélations qu'il a eues, et en fait, notre parolier écrit des paroles qui vont un peu dans ce sens là et qui s’inspirent des récits religieux et on s’est créé une propre mythologie par rapport à ça. Sauf qu'on est extrêmement sincères là dessus, ce qui vient en premier, c’est la musique. Ce n’est pas une démarche intellectuelle de se poser et de se dire « on veut raconter ça », c’est vraiment la musique qui vient, et ce que la musique nous inspire. Comme disait Christian Vander, le batteur de MAGMA, il dit que quelques fois, « Il faut laisser la musique venir à soi ». Et je pense que si tu intellectualises trop, ça te bloque dans ta création, après ce n’est que mon avis.
TC : Je pense que c’est un subtil mélange des deux.
A.M : Oui, ou un mélange des deux, exactement.
A : Et concernant le plan de l’instrumental justement, quels sont les déclencheurs de votre instrumental, dans la composition ? Quelles sont vos inspirations musicales ?
AM : Il y a quand même quelque chose d’assez naturel ! Déjà, à la base, c’est bête, mais on savait qu’on voulait faire un troisième album et continuer l’histoire du groupe, donc on a forcément besoin d’une date butoir mais entre temps, je pense qu’on a tous mis des idées de côté, des riffs… Mais c’est quelque chose d’assez magique la composition, j’ai du mal à l’expliquer !
TC : C’est quelque chose qui nous dépasse complètement !
AM : Pour la plupart des riffs que j’ai trouvés sur cet album là, je prenais simplement ma guitare, je jouais un riff, et je l’enregistrais. Je le gardais, et ensuite on le travaillait ensemble, en mettant nos idées en commun. Mais c’est quelque chose de très instinctif, la musique.
TC : Ça se fait au fur et à mesure. Après, c'est tout l’histoire du compromis, parce qu’on est cinq personnalités, avec nos goûts, nos préférences, donc forcément il faut composer avec tout ça quoi, ce n’était pas toujours simple, mais au final je pense qu’on y est arrivés, et qu’on a fait un disque qui nous ressemble et qui transcende ces différences.
A : Outre la suite narrative, considérez vous votre oeuvre comme un seul bloc, un seul morceau, à voir comme un tout, ou comme une succession de pièces qui s’ajoutent les unes aux autres ?
TC : Je pense qu’un morceau, en studio, est un morceau tel qu’il est construit sur l’instant, mais après, il évolue. C’est-à-dire qu’en livre, un morceau qu’on joue par exemple du premier album, on le joue différemment que la façon dont il était joué au début du groupe. Par exemple pour EXILE, on modifie des passages, on trippe un peu sur des structures différentes. Après, il y a toujours l’architecture même du morceau qui n’est pas modifiée, mais on prend plaisir à considérer qu’un morceau est une glaise qu’on peut modeler à volonté.
AC : Je pense que d’album en album, musicalement, je pense que chacun de nos albums est différent, qu’il y a une certaine évolution, mais je ne sais pas du tout, ce serait marrant d’écouter nos trois albums à la suite pour voir la progression. Après, on les a construits un peu de la même manière, c’est-à-dire qu’à chaque fois, on a sept titres, on a à chaque fois une intro, une interlude. Même si "Ascension" est un peu plus long que les précédents. Le canevas de notre premier album a été un guide pour la suite, mais il y a une résonance au niveau des thèmes, mais je ne sais pas si musicalement c’est vraiment pareil.
A : Vous disiez que la chute sauvait tout à l’heure, mais pourtant, si l’on en croit vos morceaux et leurs thèmes, les hommes sont piégés, enfermés par leur destins, par le chemin inévitable vers la perte et la défaite… Du coup, est-ce si irrévocable ? Devons nous simplement regarder les hommes tomber, ou agir ? Et est-ce que par votre musique, vous pensez qu’il peut y avoir des déclencheurs pour sauver ces hommes ?
TC : L’homme ne sera sauvé que par lui-même. C’est la chute, l'ouroboros qui créé un bond qui fait qu’on peut se ressaisir, et que par la force de la volonté tu veux t’en sortir et tu peux y arriver.
AM : C’est intéressant parce que ta question, c’est justement le piège dans lequel on est un peu tombés avec cet album là. Personnellement, c’est moi qui ai voulu ce titre "Ascension" car je trouve que ça correspondait à la trame narrative, mais c’était aussi parce que j’en avais marre des groupes de black metal en mode "ouin ouin" qui se lamentaient, et je voulais quelque chose de positif. Parce que la posture romantique du mec mal dans sa peau des années 90, je trouve que ce n’est plus d’actualité. Aujourd'hui, on est dans un monde qui est difficile, il faut se battre. Nous, on n’est pas nihilistes, on a des valeurs. Mais d’un autre côté, l’album se clôture sur la phrase « regarde les hommes tomber ». On est un peu piégés par notre concept, et c’était intéressant d’explorer le truc de l’ouroboros. Donc je te dirais que non, il ne faut pas uniquement regarder les hommes tomber, il faut agir, mais dans ce qu’on a écrit, c’est une tragédie.
Crédit photo : David Fitt
TC : Après du coup, je ne vais pas dévoiler la fin de l’album, mais ça suit narrativement la fin du précédent, donc Lucifer et Lilith arrivent au Paradis et s’intronisent comme étant les nouveaux régents du monde, Dieu est destitué et devient errant sur Terre et vagabonde. Et du coup il y a un renversement à la fin qui fait que le serpent se mord la queue, et que les notions de bien et de mal vont s’éclipser pour correspondre justement au concept de l’humain. Ce sont des notions assez relatives finalement. Il y a tellement de nuance, finalement…
AM : Si tu veux, au sein de Regarde les Hommes Tomber, il y a beaucoup d’interprétations différentes qui sont faites. C’est pour ça que je parlais un peu de syncrétisme, c’est tout ce qu’on s’est raconté, tout un univers, et on a tous une perception différente du groupe, mais ce qui est intéressant, c’est que cette phrase « regarde les hommes tomber », reste toujours le mantra original.
TC : Après, c’est vrai qu’on ne veut pas faire un truc vertical, avec une interprétation unique, finalement chacun peut le voir comme il veut. Pour nous, le but est de faire ressentir des vibrations aux gens et qu’ils aiment, bien que le but premier est que ça nous plaise à nous avant tout. Mais nous voulons faire passer une émotion, quelque chose de fort, de puissant. Et quelque soit le ressenti, si les gens sont tristes, c’est cool, s’ils sont en colère, c’est cool, s’ils sont contents, c’est cool. Le tout, c’est qu’il y ait un truc qui se passe.
A : Et à titre personnel, considérez vous que votre musique a-t-elle quelque chose de cathartique ?
TC : À fond, oui ! Complètement, surtout cet album. Pour tout t’avouer, on est revenus de tournée fin 2017 avec DER WEG EINER FREIHEIT, un groupe allemand avec qui on a tourné pendant un mois. Et c’était la fin du process avec Exil, du coup on s’est retrouvés tous les cinq en local de repet en se disant « mais putain, qu’est-ce qu’on fait maintenant ?" Parce qu’il faut qu’on compose un nouveau truc, faut que ça nous plaise à nous, mais il faut surtout savoir rebondir pour capter le truc tant qu’il est là, et ça a été dur parce qu'on était face à un mur, au début. Et justement, on a exorcisé ça du coup dans la composition. Il y a eu beaucoup de tensions, beaucoup de points compliqués entre nous cinq, mais on a su faire au mieux, et se relever. Et on est hyper fiers, en toute humilité. (rires)
AM : C’est ça. En fait, la répétition, quand on se retrouvait pour composer cet album, c’était un peu le réceptacle de toutes les haines. On est du genre à répéter inlassablement les mêmes morceaux pour essayer de trouver une issue qui nous satisfaisait. En plus, j’ai perdu ma mère à la fin du processus, j’ai vécu sa maladie en écrivant des trucs pour l’album, donc si tu veux, ça a été une période qui était vraiment difficile, mais c’est la musique qui t’aide dans ces moments. Après, c’est un poncif de dire que l’art est un exutoire, mais je pense que la musiques extrême est le meilleur réceptacle à ça, sachant que dans la musique populaire et dans la société moderne, il y a une sorte d’imposition au bonheur, alors que dans les musiques extrêmes, on peut s’exprimer de manière plus libre, et on est plus libre face à ses émotions.
T.C : Mais oui, la catharsis est vraiment le propos central de cet album.
AM : D’ailleurs, j’ai vu un interview de black metal qui m’a fait mourir de rire, où les mecs disaient que le black metal se devait être la propagande de satan, et non quelque chose de cathartique. Mais ce sont des conneries ! Le mec qui dit ça, je n’y crois pas, c’est une posture, et je trouve ça ridicule parce que ce n’est pas vrai. Et lui aussi le sait que ce n’est pas vrai. Parce que le black metal est cathartique.
TC : Il faut avant tout que ce soit véritable, on est des êtres humains.
AM : Par contre, il faut y croire. Il faut croire à quelque chose.
TC : Voilà ! C’est beau, ce qu’on dit ! (rires)
A : Complètement ! (rires) Vous avez déclaré que votre visuel était aussi important que votre musique. Pouvez-vous nous parler de l’artwork, avec notamment cette grande flamme attrapée par des mains presque monstrueuses, démoniaques ?
Pochette d'Ascension
AM : C’est un peu compliqué, parce qu’encore une fois, si tu veux, à chacun d’y voir ce qu’il veut. On a voulu faire une suite de la pochette précédente, c’était un peu ça la guideline qu’on avait avec Fortifem. Et puis il y avait aussi cette idée, puisqu'on avait trouvé le titre « Ascension » un peu avant de bosser sur la pochette, on savait où on voulait aller. Donc sur la pochette si tu veux, on retrouve le feu qui est une sorte de feu intérieur.
TC : Une verticalité, une connexion au divin, mais paradoxalement avec les mains qui viennent récupérer le trucs. Mais si tu veux, c’est une pochette qui illustre le texte du premier morceau, "A New Order", qui raconte cette fausse symbolique qui annonce l’arrivée de Lucifer et Lilith.
AM : Tout ça, c’est ce que racontent les paroles, mais la pochette raconte quelque chose d’un peu différent.
TC : C’est une métaphore.
AM : Tout est une métaphore, et c’est aussi une suite, parce qu’à la fin, sur la pochette de EXILE, notre album précédent, on voit une foule qui fuit une ville qui pourrait être une allégorie de Babylone en train d’être détruite, et là on retrouve ces mêmes personnes là, on retrouve des petits trucs cachés qu’on s’amuse à dissimuler, pour avoir une vraie suite, une continuité, sur nos trois albums. On a qu’une hâte, c’est d’avoir les trois vinyles les uns à côté des autres pour voir la gueule que ça a.
A : Au sujet des petites choses cachées, sur le visuel qui vous sert à annoncer les tournée, on voit des hommes encapuchonnés, des moines qui portent des logos. Et je me demandais, est-ce que ces logos ne spoilent pas un petit peu vos titres d’album ? Parce qu’on a la couronne…
TC : Si, c’est le but !
AC : Si, totalement ! Ce n’était pas notre idée à la base, c’est Fortifem qui nous ont proposé des symboles (parce qu'on est très attachés aux symboles), et ce n’est pas des symboles qu’on utilise par hasard, parce que chaque symbole est extrêmement pensé, je pense que les symboles sont « vecteurs d’énergie », on y met tout ce qu’on veut, mais c’est hyper important. Et ils nous ont fait un symbole par morceau, selon leur interprétation.
TC : Ils correspondant aux textes, et à la narration.
Visuel de tournée
A : En parlant de symboles, vous avez participé en septembre dernier à une soirée Major Arcana qui vous a conduit à utiliser un visuel autour des cartes de tarot, visible sur votre instagram. Vous avez joué sous l’arcane du Diable, avec The Hangman’s Chair, puis avez mentionné la tour. Si vous deviez choisir une carte de tarot pour représenter votre groupe, et une pour représenter votre nouvel album, lesquelles serait-ce ? Et pourquoi ?
TC : Je n’ai aucune connaissance en tarot… (rires) Désolé !
AM : Moi non plus ! En fait, l’idée du tarot, c’était Fortifem qui était venu avec cette idée, qui était trop cool, par ailleurs.
TC : Oui par contre, c’est trop cool, je suis un peu frustré de ne pas connaître ça !
AM : Ils nous avaient mis l’arcane de la tour, que je trouvais bien parce que je crois que c’était le calme avant la tempête je crois, un truc qui nous correspondait bien, mais je ne suis pas du tout expert malheureusement.
A : En parlant de votre entourage musical, comment vous situez vous dans la scène française, et notamment au sein de la scène black metal dont vous parliez tout à l’heure ?
AM : Je pense qu’on est assez peu académiques, sachant que c’est une scène assez conservatrice. Moi je respecte, le black metal étant la musique que j’écoute le plus, mais je suis conscient du conservatisme de cette scène là, et je pense qu’on est vraiment un OVNI, un truc un peu étrange dans cette scène. Pour moi, le black metal est extrêmement large, ça dépend de l’époque dans laquelle on s’inscrit, mais on fait une musique qui est sombre, et je pense que dans le black metal, ce qui est important c’est justement d’y croire, de croire à ce que tu fais.
TC : De l’intention qu’on y met, aussi.
AM : Voilà, ça dépend de l’intention que tu mets derrière, quelque chose de transcendantal, et surtout être intègre avec ce que tu veux faire. Et je pense qu’on répond à ça. Bien sûr, on pourrait se dire que le black metal est forcément satanique, et quelque part, il y a quand même toute une spiritualité autour du groupe et de nos conviction personnelles, mais moi qui suis extrêmement fan de la scène black metal française, je trouve qu’on a des groupes extraordinaires, et je n’ai aucune idée de la manière dont on s’inscrirait dedans, comme on est un peu au croisé de différents trucs, je ne sais pas trop, et ce n’est pas à nous de juger de ça.
TC : Après, c’est une scène qu’on adore ! Moi j’étais biberonné à Anorexia Nervosa, Nehëmah, Blut Aus Nord, des choses comme ça. On a un énorme respect pour cette scène là, après comme tu dis, on ne sait pas trop comment on s’inscrit dedans.
AM : Après si tu veux, en arrivant à Paris, on n’a pas vraiment trainé dans la scène. Quand on a commencé Regarde les Hommes Tomber, personne ne nous connaissait. On est quand même dans une scène où il faut faire ses preuves, et je pense qu’on a quand même agacé parce qu'on sortait de nulle part et que ça marchait bien pour nous, et qu’on a eu directement un public qui nous suivait, et je pense que c’est un peu compliqué de savoir. On fait du black metal et voilà, c’est un peu dur à définir.
A : Comme vous le dites, vous êtes un peu un OVNI dans cette scène, lequel de vos morceaux conseilleriez vous à quelqu’un qui ne vous connaît pas du tout ? Celui qui vous définirait le mieux ?
AM : Je dirais "Incandescent March", sur l'album précédent.
TC : C'est le morceau qui finit EXILE, qui est une espèce de synthèse de tout ce qu'on sait faire, finalement et qui rassemble toute la palette, toutes les couleurs qu'on va aborder : le côté épique, tout ça, il y a un peu de tout.
A : Si vous deviez définir cet album en un seul mot ? Vous avez le droit à un mot chacun, allez ! (rires)
TC : Je dirais "volonté". Parce qu'il en faut, de la volonté.
AC : "Absolution", pour moi !
A : Pourquoi doit-on absolument écouter cet album, selon vous ?
TC : Parce qu'on s'est vraiment fait chier à le faire ! (rires) Non, mais vraiment ! C'est con à dire, mais ça a été dur, parce qu'on est passés par des phases vraiment douloureuses et qu'on a pu passer au-delà de tout ça, et on est hyper fiers de ça.
AM : Je pense qu'il n'y a jamais de bonne raison d'écouter un album, mais je pense qu'avec cet album là, on a passé une nouvelle étape avec Regarde les Hommes Tomber et je pense que c'est intéressant. Et puis aussi pour les fans de black metal, je me suis aussi amusé à mélanger différents types de riffs caractéristiques de certaines scènes, qui normalement ne se mélangent pas trop.
TC : Il y a de la prise de risque, donc ça c'est cool. On ne voulait pas faire, de toutes façons, une redite des précédents, on voulait aborder des terrains qui nous correspondent, et qui en même temps soient un peu sur le renouveau, finalement.
A : On n'en a pas parlé, mais que vous a apporté le fait de vous associer à Season of Mist ?
AM : Bah si tu veux, c'est le début de la collaboration avec Season, donc on ne se rend pas tellement compte des effets, mais il y a déjà la promotion, qui est un peu plus limpide. Mais c'est vraiment le début, du début, du début. Après, Season of Mist, très honnêtement, ça a été l'opportunité de signer un deal intéressant, parce que finalement nous on refusait de signer quelque chose tant qu'on n'avait pas attaqué la composition, parce qu'on ne voulait pas être contraints de faire un album, il fallait qu'on en ait la volonté, et je pense qu'on verra à l'avenir. Mais je pense que l'objectif de Regarde les Hommes Tomber, c'est de jouer le plus possible à l'étranger, et je pense qu'avoir un label qui a un statut international, ne pourra qu'être bénéfique dans cette démarche là.
A : Dans ce nouvel album, quel est le morceau que vous préférez jouer en répet, ou que vous pensez que vous allez préférer jouer en live ?
TC : Je pense qu'on va bien aimer "Regenate Son".
AM : Ouais, pareil !
TC : C'est le deuxième après l'introduction.
AM : C'est un morceau très efficace !
TC : Ouais, elle est très scénique en fait, comme chanson, elle est aussi très narrative, il se passe beaucoup de choses, et elle est assez catchy. Je pense qu'elle va bien rassembler ! Enfin, on espère, ça se trouve elle sera horrible et ce sera de la merde (rires) mais je ne pense pas !
AM : Et il y a toujours "The incandescent March" qui clôture EXILE. En fait, c'est un morceau qui est dur, parce que c'est le morceau le plus long qu'on ait jamais écrit, qui passe par différentes phases, qui n'est pas évident à jouer. Et en fait, c'est le morceau avec lequel on a fini tous nos concerts pendant quasiment trois ans, et là on se retrouve dans une position extrêmement complexe, parce qu'il faudra le jouer, mais pas à la fin du set, et c'est hyper dur, parce que pour nous, quand on le joue, c'est la fin. Donc je suis curieux de revivre des trucs à travers ce morceau. Parce que mise au début, on ne sait plus le jouer. On va le remettre dans la setlist, mais c'est compliqué. Mais je l'adore. Je crois que c'est le morceau que je préfère jouer.
TC : Ouais, c'est vrai qu'il est assez chouette à jouer. Je ne sais pas, il y a aussi "A Sheep Among The Wolves" qui débute EXILE que j'aime beaucoup aussi. Mais c'est vrai que ça dépend du moment. Mais c'est vrai que c'est toujours compliqué de composer une setlist, parce qu'il faut le faire par rapport au temps qui est imparti, forcément, et aussi par rapport à tout le déroulé du set. Il faut que ça raconte une histoire, un set, ce n'est pas qu'une accumulation de morceaux mis bout à bout, il faut qu'il y ait des transitions, des accalmies, des remontées épiques, et c'est vrai que ce n'est pas évident. Il faut faire des choix, parfois durs. Des choses qu'on aimerait bien jouer et qu'on ne peut pas jouer parce qu'on n'a pas le temps.
A : En parlant de concerts, vous serez présents au Hellfest cette année pour la troisième fois. Et vu l’emplacement du festival, et que vous êtes originaires de Nantes, on peut dire que vous y êtes à la maison… Qu’est-ce que ça vous fait, de jouer là bas ? Que représente le festival pour vous ? Et si vous deviez rêver plus grand, vous rêveriez à quoi ?
AM : Bah si tu veux, le Hellfest c'est un peu "la maison", comme tu dis. C'est la troisième fois qu'on y joue, c'est super. Nous on garde un très bon souvenir de notre concert en 2017, on avait joué devant énormément de monde, il y avait environ 10 000 personnes apparemment, les gens étaient là, et ce qui était incroyable, on a senti un vrai soutien du public, il y avait une réelle vibration, qui était vraiment très belle. Après, c'est vrai que nous souhaitons faire de plus en plus de festivals, autres que le Hellfest. Mais pour rester sur le Hellfest, j'ai envie de dire "malheureusement" ça s'est extrêmement bien passé, on ne peut qu'espérer que ce soit la même chose cette année.
TC : Ouais, ça met la pression. (rires)
AM : Parce qu'on joue juste un peu plus gros que ce qu'on jouait auparavant. Mais moi mon rêve, ce serait de jouer de nuit, parce que je trouve qu'avec Regarde les Hommes Tomber, on prend un autre dimension vraiment quand on joue dans la pénombre. Mais bon, on n'a pas le choix.
TC : Mais après c'est marrant du coup, parce que c'est vrai que le Hellfest, on est tous plus ou moins liés à ce festival, dans le sens où on a fait plusieurs éditions, quand on avait 18 ans en 2006, on y était, et on ne pensait jamais y jouer, donc on a vu ça un peu comme un truc "putain, on y joue". Après, c'est vrai que ce n'est pas forcément un festival qui nous ressemble en termes musical parce que c'est assez mainstream, mais on prend toujours du plaisir à y jouer, il y a du monde et c'est génial ! On est super bien accueillis et c'est mortel !
AM : C'est vrai qu'on a de la chance d'avoir ce festival là en France, et après ce que je disais, c'est qu'on aimerait faire d'autres festivals en Europe aussi, de cette stature, ce serait génial aussi !
A : Quel festival vous fait rêver, par exemple ? Ou, pendant qu'on y est, un groupe avec lequel vous rêveriez de partager l'affiche ?
AM : Festival je ne sais pas trop, sachant qu'on rejoue au Roadburn festival cette année, donc on est hyper contents : double set en plus, c'est incroyable !
Affiche RLHT pour le Roadburn
TC : Après, moi j'adorerais jouer à l'étranger mais dans des pays qui sont pas typés metal, je pense par exemple en Afrique, je sais qu'au Botswana ils ont un festival metal, qui est minuscule à notre échelle, mais qui pour eux est énorme. Ça ou l'Amérique du Sud, parce que c'est là que les metalleux sont plus dévoués, ils savent de quoi ils parlent, ce ne sont pas les petits bourgeois comme nous en Europe. Il y a une véracité du propos.
AM : En terme de groupe, il y a un de mes groupes préférés qui s'appelle Secrets of The Moon qui est génial et a changé ma vie avec un album sorti en 2006 qui s'appelle ANTITHESIS et je rêverais de jouer avec eux, même s'ils sont partis aujourd'hui sur une direction beaucoup plus rock, ce serait un peu mon kiff. Mais ce qui est compliqué avec Regarde les Hommes Tomber, c'est que c'est difficile de dire avec qui on pourrait jouer. Je crois qu'on pourrait jouer avec à peu près tout le monde maintenant, mais on a tous une liste de groupes qui sont des "rêves de gosse". On verra où ça nous mène.
TC : Après on est hyper conscients qu'on a beaucoup de chance d'en être arrivés là, à force de travail, mais on est aussi assez humbles par rapport à ça et qu'on était aussi quelque part au bon endroit au bon moment. On a travaillé énormément, mais il y a aussi une part de chance qui fait qu'on en est là. On a du bol, quoi, on est conscients de ça.
A : Quels sont vos projets, à présent ?
T. : Tourner. Tourner et jouer, jouer, jouer un maximum.
AM : Concerts, puis je pense qu'on fera pareil après : se retirer pour écrire un autre album. Je ne sais pas vraiment sur quoi on partira, car rien n'est défini. Mais ce qu'on aime surtout c'est la scène, parce ce qu'on aime la communion avec le public et surtout, c'est une forme de cérémonie. On n'aborde pas les concerts en se disant "on va s'éclater", mais que c'est là qu'on joue réellement notre musique. C'est un deuxième temps. Donc c'est ce qu'on veut faire. En plus on a de la chance, parce que la situation du groupe est bien actuellement, donc on a les moyens de tourner de manière plus confortable que par le passé, donc on espèce que ça va être une ascension et qu'on sera portés par tout ça.
TC : On ne calcule rien pour l'instant, en fait. Pour l'instant, on n'en sait rien, on ne sait pas du tout comment cet album sera accueilli. En tous cas, nous on l'a vraiment fait avec le coeur et le principal est là.
A : Pour avoir une idée de ce qui vous êtes, et mieux vous connaître, quel est le dernier morceau ajouté dans votre playlist ?
TC : Je n'ai pas vraiment de playlist, mais j'écoute vachement, en ce moment, le tout premier Clan of Xymox, période post-punk, goth, début 80. C'est The Sisters of Mercy, Depeche Mode, et c'est génial.
(À défaut du tout premier, un morceau issu du prochain album de Clan of Xymox)
AM : Attends, je regarde... Ah si ! Volahn, un groupe de black metal américain qui a écrit un morceau à la gloire de Zapatta.
TC : Oh putain ! (rires) Merde...
AM : La pochette est assez incroyable. Le morceau dure 15 minutes, et à la fin se termine en folk, sur un truc Ennio Morricone. C'est vraiment le truc que j'écoute à fond en ce moment. Ils ont juste sorti un titre, mais puisque tu parlais d'un seul morceau, c'est un seul morceau sur un EP, et c'est vraiment génial.
A : Pour terminer, chez Error 404, on ne parle pas que de musique, mais aussi de cinéma. Si vous deviez un film pour définir votre groupe et ce dernier album, ce serait lequel ?
TC : C'est marrant, parce que Romain, notre batteur est un grand fan de cinéma, et notamment de cinéma français, il adore Gaspard Noé... Mais après, un film en tant que tel...
AM : Mon film préféré, c'est Apocalypse Now, et ce que j'aime bien dans ce film, c'est qu'il y a une trame narrative, il y a une quête, et c'est vrai que, quand on pense à Ascension...
TC : Ah ouais, c'est pas con !
AM : Voir décoller Kurtz à la fin dans la forêt, et quand on voit la définition qu'ils donnent de la mort, c'est l'horreur absolue. Et c'est l'horreur parce qu'on en vient même à... glorifier des mecs qui coupent des bras d'enfants en disant "c'est ça la guerre, et la guerre c'est l'horreur, et seuls les plus horribles vaincront". C'est un film hyper fort, et je dirais donc celui-ci par rapport à "Ascension".
TC : Je n'avais pas forcément ça comme idée, mais je pense que c'est une bonne idée, oui !
A : Très bien, merci beaucoup !
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Merci au groupe, merci à HIM MEDIA d'avoir rendu cette entrevue possible, et merci au Hellfest Corner pour leur accueil.
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