Les macrophages « goûteurs » de la barrière intestinale
Dans la paroi du tube digestif, des cellules spécialisées détectent la présence de composés toxiques dans les liquides absorbés par celles avoisinantes, et peuvent en bloquer l’absorption.
Publié le 04 novembre 2020 à 18h30 Temps de Lecture 2 min.
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Coupe de côlon dans laquelle on observe les macrophages subépithéliaux et leursprotubérances en forme de ballon en vert.
Coupe de côlon dans laquelle on observe les macrophages subépithéliaux et leursprotubérances en forme de ballon en vert. Institut Curie
Carte blanche. Eviter de s’empoisonner lorsqu’on s’alimente est une affaire plus complexe qu’il n’y paraît. Non que nous consommions à notre insu des produits toxiques (espérons-le du moins !), mais parce que la flore intestinale produit elle-même des composés potentiellement nocifs s’ils étaient absorbés avec le reste du bol alimentaire. Comment les cellules de la barrière intestinale, spécialisées dans l’absorption, opèrent-elles le tri entre les fluides chargés en nutriments dont nous avons besoin pour vivre, et ceux qui contiendraient une trop forte concentration de substances dangereuses ? Peuvent-elles sentir et reconnaître un produit indésirable et interrompre transitoirement l’absorption, comme nous nous bouchons le nez pour échapper quelques instants à une odeur nauséabonde, bien que la respiration soit une fonction vitale ?
Un article, issu d’une collaboration franco-américaine (Institut Curie, université d’Aix-Marseille, Institut Pasteur et université Cornell, à Ithaca, dans l’Etat de New York) et publié, le 15 octobre, dans la revue Cell, révèle que certaines cellules du côlon distal (l’extrémité la plus postérieure du tube digestif) jouent un rôle de « goûteuses », permettant de détecter les fluides corrompus et de limiter leur absorption par les cellules avoisinantes de la barrière intestinale. Les équipes de recherche, conduites par Danijela Matic Vignjevic et Ana-Maria Lennon-Duménil, ont montré que ces cellules goûteuses sont un type de macrophages très spécialisés.
Protubérances en forme de ballons
Ailleurs dans l’organisme, les macrophages sont des cellules immunitaires qui participent, entre autres, à l’élimination des cellules mortes ou des microbes indésirables, en les emprisonnant pour les dégrader. Ici, une population de macrophages atypiques remplit une tout autre fonction. Jouxtant les cellules du tube digestif, c’est-à-dire placés juste après la barrière, du côté intérieur de l’organisme, ils déploient des protubérances en forme de ballon de quelques micromètres de diamètre, qui s’insèrent entre les cellules absorbant les fluides contenus dans le gros intestin. Par manipulation génétique, les chercheurs ont privé des souris de ces cellules, ou ont empêché la formation des protrusions. Cette portion de l’intestin perdait alors le contrôle qualitatif de l’absorption des fluides : même en présence de composés toxiques, la barrière intestinale continuait d’absorber. En conséquence, ils ont alors observé une mortalité élevée des cellules qui constituent la barrière, une perte de sa cohésion, et donc de sa fonction d’interface protectrice entre le contenu intestinal et l’intérieur de l’organisme.
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