Quand le téléphone sonna chez le commissaire Faroucchia, ce dernier venait juste de commencer à déguster sa pizza 4 fromages achetée dans l'après midi chez « Péponne» le pizzaiolo de la rue Siméoni.
Il avait prévu d'accompagné son repas d'un rosé de Provence tiède qui traînait dans la cuisine.
Le commissaire rota et se leva en grommelant.
Qui pouvait bien le déranger en plein festin à pareille heure.
Il décrocha le téléphone à contre-cœur :
Faroucchia, j'écoute! Éructa-t-il.
Bonsoir commissaire. Bénitto à l'appareil. Désolé de vous déranger à cette heure tardive mais c'est urgent.
Il a recommencé !
Comme la dernière fois !
Si vous voyiez ça ! C'est affreux !
Encore pire que le mois dernier.Malheureusement, il fallait s'y attendre. Qui est sur place ?
Moi et le stagiaire. Mais le minot n'a pas l'habitude. En voyant tout ça, il est devenu tout blanc et a tout dégueulé son dîner sur mes pompes. Une pizza margherita de chez Péponne. Si c'est pas pitié !
Comme si ça suffisait pas comme ça !
Il avait pas besoin d'en rajouter. C'est assez glauque comme ça.
Le commissaire avait déjà passé une très mauvaise journée. Et là, installé devant sa 4 fromages, on venait, unefois de plus, le rappeler à la dure réalité du métier de flic au commissariat de Solenzzara.
Déjà, ce matin, en arrivant le commissaire principal avait demandé à le voir pour une sombre affaire de disparition dans le maquis. L'enquête n'avançait pas.
Aucun indice n'avait à ce jour fait avancer l'affaire.
Il est vrai que le contexte était particulier.
Le disparu était le fils du promoteur de l’île Rousse. Simon Facchi dit «le maçon». Il n'avait pas vu son fils depuis une semaine.
Aucune rançon n'avait été demandée.
Le commissaire avait actionné ses contacts qu'il avait également chez les autonomistes.
Rien n'y faisait. Le fils «du maçon» restait introuvable.
Cette affaire était très sensible, le préfet était également présent.
Faroucchia était un homme de terrain. Les réunions avec les bureaucrates l’horripilaient au plus haut point.
Que connaissaient-ils eux de la réalité d'un commissariat ? Des difficultés à obtenir des résultats ?
En Corse en plus !
Déjà sur le continent ce n'est pas évident. Mais en Corse, alors là c'est encore autre chose !
Et ce soir à 22 heures, Bénitto était au prise avec un nouveau drame.
Le commissaire réfléchit rapidement.
- De toute façon à cette heure là, il va être difficile de trouver du monde. Tu mets tout en sécurité.
Que personne ne touche à rien. Personne ne doit entrer dans la pièce. J'arrive demain à la première heure. On prendra les mesures indispensables.
Le commissaire jeta un œil sur sa 4 fromages. Elle était là , seule dans son carton en train de refroidir.
Une pizza de chez Péponne pensa-t-il. Il faudra la réchauffer. Quel gâchis !
Une heure plus tard, le commissaire, repu, se dirigeât vers sa chambre avec l'espoir d'une nuit réparatrice qui lui permettrait d'affronter la nouvelle catastrophe qui venait de se produire dans sa circonscription.
Faroucchia passa une très mauvaise nuit, qu'il mit sur le compte du réchauffage de la pizza.
Le fromage ça le durcit. C'est moins digeste se dit-il.
En réalité, le policier était sujet à des nuit agitées depuis deux ans.
Un des pires moments, dans sa carrière déjà bien remplie en rebondissements, le tourmentait.
Lors de cette affaire il avait dû affronter l'ire de la presse de toute l’Île.
Il avait été traîné dans la boue. Lui le fils du pays, le petit fils de Mateone Scorcese du côté de sa mère.
Le téléphone sonna. Il n'était que 9 heures du matin.
Bénitto à l'appareil. Désolé de vous réveiller patron, mais notre affaire se complique. Ça devient urgent !
OK j'arrive.
Le commissaire après un rapide passage dans sa salle de bains, s'engouffra dans sa Super 5 bleu diésel en direction du commissariat.
- Même pas le temps de déjeuner, pensa-t-il. Quel métier !
Quand il arriva au commissariat, il comprit tout de suite que l'affaire était grave.
Bien plus grave qu'il ne l'avait imaginé.
Professionnel, comme il en avait l'habitude, il pris immédiatement les mesures urgentes nécessaires.
Son subalterne avait bien balisé la zone.
- Au moins, se dit-il, la scène n'a pas bougé.
Il se saisit de son téléphone cellulaire et envoya le numéro préenregistré qu'il avait malheureusement trop de fois composé.
- Commissaire Faroucchia à l'appareil. Comme il y a un mois, en pire. Venez avec tout votre matériel de prospection, c'est urgent, on vous attend.
Les spécialistes arrivèrent un quart d'heure plus tard. Ils enfilèrent leurs tenues de protection.
En s'approchant de la scène, malgré leur habitude, ils eurent néanmoins un mouvement de recul.
Effectivement, le commissaire n'avait pas exagéré.
Ils ne se souvenaient pas avoir vu un tel carnage. Et le vomi du stagiaire n'arrangeait rien à l'affaire. Les experts ne reconnurent même pas la margherita de chez Péponne.
Faroucchia laissa les professionnels agir. De toute façon, il aura plus tard le compte rendu avec tous les détails.
Il pourra faire son rapport.
Le commissaire principal aura son dossier complet.
Au bout d'une demi heure, le patron du service annonça que tout était terminé, qu'il ne restait plus qu'à ses hommes de tout enlever et que les lieux pouvaient être nettoyés.
Bien, lui dit le commissaire. Alors, je vous écoute. Qu'avez-vous trouvé? Quels sont vos conclusions ?
Je vous confirme vos doutes commissaire. C'est bien le même mode opératoire d’il y a un mois.
Il va falloir agir rapidement, il est évident que cela recommencera. Et là ce sera pire, horrible.
Mes gars ne veulent plus intervenir.
Agissez, réunissez tous vos gars.
Mettez-les au parfum.
Dites leur de mettre moins de papiers, ou augmentez la section d'évacuation de vos WC !
Je ne sais pas moi.
Il n'y a pas d'autres solutions !
Comme ils sont faits, vos chiottes se boucheront régulièrement.Flic, quel foutu métier, pensa Faroucchia. C'est vraiment un métier de merde!
F I N