Si le monde est plein "de bruits et de fureurs", que la nature nous parle même si nous ne l'entendons pas -car nous méconnaissons bien trop souvent le langage de la nature, il y a aussi des silences qui parlent et des communications non-verbales qui s'expriment et qui s'immiscent en eux.
C'est que le silence est aussi essentiel à la parole que l'air qu'on respire l'est au bon fonctionnement de notre cerveau.
Mais il y a aussi des silences foudroyants et des silences vides de sens. Ils tournent comme des soleils mourants dans notre conscience linguistique prêts à crever l'univers indicible de notre esprit en trou noir. C'est que le silence peut-être mystique ou machiavélique mais il ne saurait être à la fois les deux. Le silence a foncièrement une nature dialectique qu'il réfute en même temps.
Par exemple, les silences d'Adolf Hitler avant ses discours sont aux antipodes du silence de Bouddha sur les questions concernant la réincarnation. Ce n'est absolument pas le même silence. Comment dés lors une chose si essentielle peut-elle s'avérer aussi insaisissable et paradoxale ?
Sans le silence, on ne peut être entendu. Mais avec lui, notre voix se perd dans un désert. S'il n'y avait pas le silence, aucune musique n'aurait pu être composée, aucun poème. Mais avec lui, toute mélodie et tout rythme disparaîssent. Comment dés lors sortir d'un tel paradoxe?
On pourrait par exemple essayer de s'en tirer un peu à la manière de Jean-Paul Sartre. On devrait distinguer alors un silence à nous-mêmes qui se distinguerait du silence pour les autres. Le silence à soi qui sait ce qu'est une réponse silencieuse aussi pour les autres serait néanmoins en contradiction avec notre projet. Il faudrait alors encore que ce silence à nous-même soit aussi un silence pour nous-même, un silence pour soi. Car le silence ne peut être en lui-même ce qu'il est pour autrui. Le silence du mensonge par défaut est toujours un silence pour les autres. Mais celui qui garde le silence pour nuire à autrui fait de son silence une action destructrice, une arme de guerre. Il se sert du silence pour asservir à l'ignorance et galvaniser sa cible ou la foule qui l'écoute. Il l'utilise pour assouvir sa soif de domination et de supériorité diabolique.
Si certains silences peuvent nous re-construire, d'autres détruisent toutes nos relations. Quand une personne vous met mal-à-l'aise par son silence, on ne peut pas vraiment dire qu'il s'agisse du bon silence, celui recherché par les ascètes ou les artistes pour leur création. Il y aurait donc en réalité un silence intentionnel, bon ou mauvais, mais qui n'en est pas vraiment un, un faux silence "plein de bruits et de fureurs" qui n'entend rien ou pas grand chose au silence du coeur.
Brisons donc tout ces faux silences pour redécouvrir la véritable nature du silence, celle qui rend possible le langage et la création, celui qui fait naître les mots bienveillants au lieu de dissimuler les haines et les rancoeurs.