Nous avions enfin atteint Bamako. Nous pensions être la fin du voyage qui nous avait mené, depuis l’Europe jusqu’au Mali, pour y revendre notre véhicule. La vente de la vieille Mercédès (Article précédent), qui avait usée ses dernières forces dans les sables du désert, devait financer notre retour en Europe. Malheureusement les prix des billets d’avion depuis Bamako, en particulier pour un vol aller simple, étaient prohibitifs. Il fallait une fois de plus changer de plan. Le Sénégal était une destination plus touristique, il y avait plus de vols vers l’Europe, nous pourrions probablement y faire une meilleure affaire. Encore fallait t-il se rendre à Dakar depuis Bamako, par d’autres moyens qu’aériens, il va sans dire.
Et maintenant en train
Nous embarquâmes enfin. Comme tous les moyens de transport collectifs le train était en retard et bondé. Ce n’était pas une surprise, habitués aux longs trajets en taxi brousse nous ne nous formalisions plus de la promiscuité. L’ambiance était très chaleureuse. C’était comme si toute l’Afrique de l’ouest c’était donnée rendez-vous dans ce train. Chacun donnait les nouvelles de sa route, préparait les suivantes. Notre plan à court terme était clair dans cette Babylone nous rêvions déjà de futurs voyages dans ces pays dont nous découvrions parfois jusqu’aux noms.
C’est dans ce train que j’ai rencontré les premiers candidats à l’immigration. Les premiers d’une longue série. Le sujet n’était pas encore trop utilisé par les politiciens, n’abreuvait pas la presse d’articles simplistes. Pour moi c’était nouveau. J’essayais de comprendre cet engouement. Je me suis rendu compte au fil des décennies suivantes que beaucoup d’éléments m’avaient échappés. Je voyais ça comme une aventure de vie, un voyage comme nous le faisions. Certains avaient en tête des cheminements incroyables que je ne comprenais pas n’en connaissant pas les contraintes. Pourtant nous avions nous même cheminé au gré des possibilités et des opportunités de notre voyage.
Il n’y a qu’une voie il faut parfois s’arrêter pour attendre d’être sûr que le train d’en face est passé. D’autres arrêts sont plus mystérieux. Le train stoppe sans qu’il ne soit fourni aucune explication, comme avec la SNCF. Les passagers descendent, pour essayer de trouver un peu de fraicheur et peut-être un peu d’espace. Les wagons deviennent des fours et la promiscuité n’arrange rien. La région est semi désertique, seuls quelques baobabs offrent une ombre fragile que nous discutons aux rares herbes rases luttant pour leur survie.
Le côté amusant de la chose est que le train repartait sans prévenir. Pas de sifflets comme les trains de l’ouest Américains dans les westerns. Sommeillant depuis deux, trois, parfois quatre heures les passagers réunissaient hâtivement leurs affaires et couraient derrière le train dans une magnifique pagaille. C’est dans les cris et les rires que tout le monde escaladait portes et fenêtres pour retrouver sa place. Heureusement le train n’est pas un foudre de guerre au démarrage ! A peine installé et remis de ses émotions, il peut arriver que le train stoppe pour deux heures de plus !
Bienvenu à Dakar
Amusant mais long. Annoncé pour 36 heures nous avons mis plus de 5 jours. Nous pensions faire une pause ou deux mais nous y avons renoncé, nous avons débarqué à Dakar. Une nuit sur la plage de la grande corniche ne nous a pas permis de récupérer autant que nous voulions. Le lendemain direction le bureau d’Air Afrique pour acheter les billets retour, il fallait absolument que nous ayons assez d’argent, demander de l’aide aux parents aurait été une terrible défaite. Ce fût le cas, billets en poche, il nous restait deux jours pour profiter de Dakar. Nous en avons exploré les nuits et les jours, nos derniers jours en terre Africaine, nos derniers jours d’un voyage qui, a l’image du train, devait durer 1 mois et en a pris plus de quatre.
Le temps des bilans
Une fois retrouvé Montpellier et notre chère université il ne nous restait point si dire plus d’argent, je me souviens de compter la monnaie pour le prix de 2 jambon beurre. Le voyage avait englouti l’argent de nos travaux deux ans plus tôt et celui de la vente de la voiture. Pas terrible pour des économistes en herbe mais je crois que l’on n’y a jamais pensé, nous aurions recommencé le lendemain aux même conditions. C’est même peut-être aujourd’hui, 30 ans plus tard, que je prends conscience du bilan financier.
D’un point de vue de l’expérience humaine le voyage avait peut-être changé définitivement notre conception de la vie. Nous avions découvert la réalité d’un continent qui faisait rêver beaucoup d’aventuriers. Préoccupés d’abord de notre simple projet nous nous étions, après la vente de la voiture, beaucoup intéressés aux gens, à leur vie, leurs petits bonheurs et leurs difficultés.
Une superbe histoire qui prend fin ! Rassurez nous, vous en avez d'autres en stock ? Upvoté à 100% !
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Merci @francosteemvotes, oui pleins d'histoires, 30 ans d'histoires Africaines mais cela pourrait finir par se ressembler un peu au final.
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Top !
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