La société est-elle bugguée ?

Hier, j’étais chez le notaire.
Genre “la captation dolosive entraîne la nullité de la libération consentie...”
Dans une première salle, on règle d'abord les affaires concernant mon grand-père. Il est décédé il y a 40 ans, mais la succession n’avait jamais été faite. Bug.

Puis, nous réglons la succession de mon père. Le notaire nous explique que la valeur de la maison n’avait pas été déclarée, malgré les expertises diligentées et payées par ma mère, à l’époque. Bug.
En conséquence de quoi, nous resterons à la merci de l’administration fiscale, qui peut à tout moment, nous demander de payer une taxe sur une plus-value fictive. Bug.

“Vous avez bien tout compris ?”, me dit-elle. Eh oui, le notaire est une jeune fille, toute jeune, toute fine, une lycéenne. Elle nous interroge tous du regard. Quand c’est mon tour, je lui réponds : “Enfin, comme ça, à l’oral ça a l’air un peu compliqué, mais à l’écrit, j’avais compris, même que c’est moi qui aie fait corriger le document. Il était écrit un huitième, à la place de un dix-huitième”. Et toc, une coquille, un bug.
Elle rajoute à la main, sur un autre document, une partie qu’elle avait omise. Bug. Une fois sa corvée d’écriture achevée, elle nous fait tous signer, puis s’aperçoit que ma mère l’a signé à tort, car elle n’était pas concernée. Bug. Elle fait refaire le document, on le resigne tous, sauf ma mère, ouf !

On rejoint un deuxième notaire dans une autre salle. Changement de décor, tout est informatisé, il nous montre les documents qui défilent à l’écran. C’est moderne et on doit signer sur une tablette avec un stylet. Au moment de signer, seule la signature s’affiche au centre de l’écran, si bien qu’on ne voit pas du tout ce que l’on signe. Bug. Deux des personnes qui doivent signer sont absentes et doivent être représentées par le premier notaire. A l’écran l’une apparaît, l’autre non. Bug.
Enfin nous prenons congé, satisfait du bug... euh, du devoir accompli.

Je suis informaticien. Est-ce une déformation professionnelle ? Je vois ma journée comme à un voyage sans fin, fait de petits sauts d’équilibriste de bug en bug, risquant à tout moment, une chute, un vautrage, un étalement inévitable et douloureux, devant constamment me relever pour le prochain saut de puce.

Cette nuit, j’espère pouvoir me reposer et que les songes m’évitent une métamorphose kafkaïenne en carfard géant. D’autant que mon application de réveil refuse de sonner depuis maintenant une semaine. Bug !