La question des frontières entre différents territoires donne aujourd’hui lieu à des débats passionnés. Ses implications revêtent une importance si capitale que c’en est devenu un sujet clivant, divisant en deux camps inconciliables les “citoyens du monde” se voulant apatrides d’une part, et d’autre part ceux qui entendent défendre les identités et racines ethno-culturelles dont ils revendiquent l’héritage.
Bien évidemment, les frontières politiques de certains Etats actuels, ne tenant aucun compte des réalités historiques, linguistiques, culturelles et régionales, sont non seulement arbitraires, mais relèvent même parfois de la plus criante aberration. C’est souvent en s’appuyant sur de tels exemples que les partisans de l’abolition des frontières s’efforcent d’étayer leur argumentation, puisqu’il leur semble aller de soi que de telles iniquités trouvent bel et bien leur source dans l’existence même des frontières. Seulement, allez demander aux Amérindiens, aux Palestiniens, ou aux Aborigènes d’Australie ce qu’ils pensent de l’absence totale de frontières reconnues, à la lumière de leurs tragiques expériences… Il y a fort à parier qu’ils ne partageront pas forcément ce point de vue !
Qu’est-ce donc qu’une frontière, au juste ? Une frontière, c’est ce qui définit la territorialité, le droit pour un groupe d’individus d’être souverain chez lui, au même titre qu’un individu a indiscutablement droit à l’intimité et à la souveraineté. Un individu insécurisé chez lui, non souverain en son propre domicile, ne serait assurément pas libre. Il en va bien évidemment de même pour toute collectivité humaine, pour toute nation, sur le territoire délimité par des frontières qui constitue sa patrie charnelle et son cadre de vie.
Une frontière, c’est tout simplement ce qu’implique le droit à l’autodétermination, à l’autonomie et à l’indépendance pour tous les peuples et collectivités humaines. Sans territoires définis, sans délimitations précises, les notions d’autodétermination, de souveraineté et d’indépendance ne signifient plus rien.
Une frontière, c’est ce qui marque la délimitation entre deux nations distinctes, c’est-à-dire entre deux groupes humains ayant chacun une identité ethno-culturelle qui lui est propre.
il faut comprendre avant tout entité ethno-culturelle, une communauté qui ne se résume pas à la simple addition des individus qui la composent, mais qui est le produit d’une histoire, d’une culture et d’un héritage ancestral communs, formant le creuset d’une identité spécifique et clairement définie. Le sentiment national, la conscience de ce fait identitaire réel, bien concret, ne constitue aucunement en soi un facteur aliénant et liberticide , ni n’implique le racisme, pas plus que la xénophobie. L’amour des siens n’implique pas la haine de l’autre, et préférer son prochain à son lointain n’a rien d’immoral ni d’artificiel, bien au contraire. Le fait national est tout simplement un fait naturel, reposant sur la transmission héréditaire, d’individus à individus, de liens génétiques et socio-culturels.
Des esprits se voulant généreux et pétris d’équité conçoivent apparemment que la suppression des frontières constituerait la panacée contre la xénophobie et le racisme, et qu’elle représenterait, à travers le prisme déformant d’une sorte d’idéologie de la repentance et de la rédemption éternelles, le juste prix à payer pour répondre collectivement de fautes commises jadis par nos aïeux. En d’autres termes, on attend des “réparations” de la part de gens qui n’ont personnellement commis aucune faute, au bénéfice de gens qui, pour leur part, n’en ont jamais subi préjudice. Double non-sens, fondé sur le sophisme de la culpabilité collective et héréditaire. D’autres souhaitent simplement ouvrir les portes des pays industrialisés et “traditionnellement impérialistes” à l’immigration en masse des populations pauvres.
En réalité, outre son caractère dangereusement irresponsable, cette idée de libre circulation totale et sans entrave, si généreuse qu’elle puisse sembler a priori, ne tient aucun compte d’un fait pourtant évident : les problèmes sociaux, économiques, politiques, culturels et religieux des pays du Tiers-Monde ne seront nullement résolus par une fuite en masse de leurs ressortissants vers les pays dits “riches”. Bien au contraire, serait-on même tenté d’ajouter.
Pour les pays d’accueil, l’impact sur l’environnement social comme écologique d’un flux migratoire aussi colossal serait catastrophique. Et nul n’est besoin de mentionner le cataclysme économique et le déséquilibre ethno-démographique qu’il engendrerait.
Ceci dit, quelles que soient les politiques d’immigration à venir, il est évident que les puissances d’argent qui régissent aujourd’hui le monde et qui s’emploient justement à détruire les indépendances nationales devront tôt ou tard faire face aux conséquences de leur exploitation permanente des nations d’Afrique, d’Asie, et d’Amérique latine. La véritable solution aux conditions misérables que subissent les peuples de ces trois continents réside, comme pour tous les autres peuples, dans une véritable révolution sociale et nationale, émancipatrice, dans leur affranchissement des carcans obscurantistes et théocratiques, ainsi que dans la préservation et la mise en valeur de leurs particularismes ethno-culturels les plus enrichissants.
Pourtant, ce concept, outre sa dimension hautement utopique, implique de possibles développements racistes, impérialistes, et écologiquement dévastateurs qui ne sont que fort rarement analysés. En outre, les libéraux, désireux d’asseoir leur domination politico-économique sur le monde entier par la mondialisation du capitalisme, ne tendent-ils pas, eux aussi, à nier les frontières et à encourager l’uniformisation ?
L’objectif plus ou moins avoué du libéralisme économique et sociétal, c’est le grand magma planétaire indifférencié. C’est la poursuite d’une uniformisation toujours plus globalisante voire totalitaire, pour qu’à force de brassages et de mélanges les identités et particularismes disparaissent. Pour faire de l’humanité une armée de zombies indifférenciés, de consommateurs-clones malléables et redevables à merci, identiques de Los Angeles à Vladivostok comme de Reykjavik à Tombouctou , ou encore de Paris à Pékin, le grand rêve de l’ultralibéralisme a toujours été de s’affranchir de l’autorité des frontières.
Le capitalisme libéral est par essence cosmopolite, apatride. Les seules lois et les seules valeurs qui le régissent sont les prix de revient et les bénéfices. il n’a que faire des nationalités, des souverainetés populaires et des frontières, et souhaite continuellement les affaiblir et les faire disparaître, consacrant ainsi le triomphe de l’économique sur le politique.
Effacer les frontières, détruire les indépendances nationales, c’est l’objectif ultime du grand Capital multinational et apatride. Prôner l’abolition des frontières, c’est objectivement jouer le jeu des libéraux, en leur servant fort opportunément d’idiots utiles.
Les problèmes qu’implique le maintien des frontières actuelles sont hélas particulièrement criants pour des peuples sans souveraineté reconnue comme les Basques, les Bretons, les Corses, les Kurdes, ou encore beaucoup de peuples africains, américains et asiatiques dont les terres ont été spoliées, escamotées par des lignes tracées sur une carte. Les gouvernements et les Etats concernés ne doivent pas s’interposer sur le chemin de l’autodétermination des peuples, même si dans de nombreux cas, des solutions fédérales peuvent constituer des alternatives crédibles et viables aux velléités séparatistes. En ce sens, il ne doit pas y avoir de frontières limitant la solidarité, l’entraide, et la coopération volontaire. Mais la négation des frontières et des nationalités constitue bien le piège ultime qu’il convient d’éviter, sous peine de scier la branche sur laquelle on est assis, et de se faire l’instrument du cancer mondialiste.
Ainsi donc, le combat inter-nationaliste doit être compris et appliqué dans le sens le plus équitable : pas de frontières limitant la solidarité, et pas de frontières imposées contre leur gré à des nations réelles sans souveraineté. En revanche, pourquoi nier le droit des peuples et des groupes humains à l’autodétermination et à la souveraineté territoriale ?
Le choix individuel des “apatrides” volontaires, en soi, est certes respectable. Mais il cesse de l’être à partir du moment où ils entendent l’imposer de façon universelle, en refusant aux autres le droit de se constituer en entités collectives souveraines.
Par le refus de toute logique génocidaire ou assimilationniste , il convient de lutter pour un réel pluralisme, car la diversité ethnique, culturelle, et linguistique est le fondement même de la richesse de l’humanité.
Par la solidarité de tous les peuples en lutte contre l’impérialisme de par le monde, il convient donc d’opter pour un inter-nationalisme véritable qui, au lieu de nier et de rejeter les différences, au lieu de détruire les souverainetés et les autonomies, les reconnaît et œuvre à leur préservation.
L’inter-nationalisme bien compris doit consister en la solidarité internationale de tous les peuples qui luttent pour rester eux-mêmes,
maîtres chez eux, et non en une sorte de mondialisme massifiant,
uniformisant et négateur de toutes les frontières.
Il ne s’agit pas ici de plaider en faveur des rivalités et de la division du genre humain, mais bien au contraire en faveur de L’UNITE DANS LA DIVERSITE, pour reprendre -et retourner contre eux- une formule chère aux chantres de l’U.E. Une unité qui n’est concevable que sur des bases volontaires et affinitaires, puisqu’il est bien évident qu’on ne peut éternellement contraindre des peuples et des cultures que tout oppose à cohabiter contre leur gré.
L’histoire, y compris récente, regorge d’exemples de nations brimées dont les droits ont été bafoués pendant plus ou moins longtemps, mais qui toujours finissent par se réveiller, par retrouver leur fierté et briser leurs chaînes. La flamme nationale est une flamme éternelle, quels que soient les moyens déployés -toujours vainement- par ceux qui tentent de l’étouffer, de l’éteindre. Elle renaîtra encore et toujours, car l’identité et la souveraineté, garanties par le maintien de frontières effectives, sont tout simplement des questions de liberté. Les frontières matérialisent notre liberté de choix, notre liberté d’association, notre liberté de demeurer nous-mêmes et de vivre comme nous l’entendons.
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