Aphrodite, de Pierre Louÿs

in litterature •  7 years ago 

J'ai lu l'Aphrodite de Pierre Louÿs il y a presque trois ans. Et je me suis toujours convaincu que ce roman est le plus grand chef d'oeuvre de l'écrivain, quoique ce dernier n'eût sans doute point été d'accord avec moi.
Il écrivait en effet, dans une note à son propre roman, "je n'ai terminé que cinq livres : Bilitis, Aphrodite, le Pantin, Pausole et Psyché. Des cinq, celui qui me déplaît le plus est Aphrodite. Peut-être est-ce parce que c'est celui où je m'étais proposé l'idéal le plus élevé. La comparaison avec ce que je voulais faire est écrasante pour ce que j'ai fait."


Reproduction en noir et blanc de la couverture dessinée par Édouard Zier pour l'édition 1900.

J'ai lu ces cinq romans, et j'affirme qu'Aphrodite surpasse tous les autres ; car c'est celui qui m'abîma le plus et dont le souvenir laisse encore en moi les traces les plus profondes.


Jean-Paul Goujon a écrit une préface sérieuse et intéressante pour l'édition Gallimard de 1992. On ne perdra pas son temps à s'y reporter.

Voici quelques citations choisies :

« L’amour, avec toutes ses conséquences, était pour les Grecs le sentiment le plus vertueux et le plus fécond en grandeur. »

« La sensualité est la condition mystérieuse, mais nécessaire et créatrice, du développement intellectuel. » (p38)
« Se regarder à travers l’eau était pour elle une jouissance. »

« Elle était fille d’un Ptolémée et d’une princesse de Syrie qui descendait de tous les dieux, par Astarté que les Grecs appellent Aphrodite. […] « Je suis l’Astarté. Prends un marbre et ton ciseau, et montre-moi aux hommes d’Egypte. Je veux qu’on adore mon image. ». »

Elle était nue et sexuée, vaguement teintée selon les couleurs de la femme ; elle tenait d’une main son miroir dont le manche était un Priape, et de l’autre adornait sa beauté d’un collier de perles à sept rangs. »

« Elle avait une beauté spéciale. »

« - Voudrais-tu que je sortisse nue, ou vêtue de laine comme une esclave ? Je m’habille que pour mon plaisir ; j’aime à savoir que je suis belle ».

« Je veux un miroir d’argent pour mirer mes yeux dans mes yeux. […]. Je veux un peigne d’ivoire ciselé pour le plonger dans ma chevelure comme un filet dans l’eau sous le soleil. […] Je veux un collier de perles à répandre sur ma poitrine, quand je danserai pour toi, dans ma chambre, les danses nuptiales de mon pays. »

"Le sculpteur s’était lui-même figuré devant la déesse Aphrodite, modelant d’après elle, dans la cire, les replis d’un ctéis parfait, comme si tout son idéal de beauté, de joie et de vertu s’était réfugié dès longtemps dans cette fleur précieuse et fragile. »

« L’âme de Chrysis, claire comme celle d’un petit enfant, parut à Démétrios plus mystérieuse qu’un problème de métaphysique. »

« Il faut manger les figues pendant qu’il fait jour, et la femme quand on n’y voit plus ! » […] « Son petit corps se montrait si jeune, si enfantin de poitrine, si étroit de hanches, si visiblement impubère, que Démétrios se sentit pris de pitié, comme un cavalier sur le point de faire porter tout son poids d’homme à une pouliche trop délicate. »

« C’est que je suis si contente, vois-tu, si contente d’être encore toute jeune. »

« Ses [Chimairis] lèvres musclées, son regard excessif, ses paupières largement livides composaient une expression double, de convoitise sensuelle et d’épuisement. »

Démétrios et Touni : « - Ton destin veut que tu [Touni] meures, par ma main, sur ce banc. » ; « « Si la mort… me vient de toi… me sera douce… Je l’accepte, je la veux, mais écoute… » »

« Son corps jeune et fin s’étendit pour toujours dans une félicité trop vive pour ne pas être éternelle, et comme son amant distrait, ou peut-être hésitant et anxieux, achevait le geste de l’Amour sans dessiner celui de la Mort ». (p140)
Jalousie de Démétrios devant Chrysis : « Un grand nombre de femmes n’ont de plaisir parfait qu’ave leur propre sexe. »

« … Me voici [une jeune courtisane demeurant anonyme] tout entière à toi, déesse aimée. Je voudrais entrer dans tes jardins, mourir courtisane du temple. Je jure de ne désirer que l’amour, je jure de n’aimer qu’à aimer, et je renonce au monde et je m’enferme en toi. »

« Femmes ! ô femmes ! si vous voulez être aimées, montrez-vous, revenez, soyez-là ! […] Démétrios était lié comme un esclave à un char de triomphe. S’échapper était une illusion. Sans le savoir, et naturellement, elle avait mis la main sur lui. »

« Tant il est vrai qu’une femme n’est pleinement séduisante que si l’on a lieu d’en être jaloux. » (p165)
Naucratès dit : « Le grand évènement de l’amour est l’instant où la nudité se révèle. » […] « toute femme aime à s’entourer d’un cercle d’hommes amoureux, et celles-là du moins ne s’exposent pas à des familiarités qui démasqueraient leur naturel. »

Philodème dit : « Vous êtes douces au disgracieux, consolatrices aux affligés, hospitalières à tous, et belles, et belles ! »

« Elle [Chrysis et Démétrios] le considérait du regard imperturbable qu’ont les jeunes chiennes devant la viande. Elle pliait son corps vers lui, pour le toucher en marchant. »

Lors des Bacchanales chez Bacchis : « L’impiété provocante de l’enfant couchée amusait tous les convives, car on n’était plus au temps où la foudre eût exterminé les railleurs de l’Immortel. »

« Elle [Chrysis] portait magnifiquement toutes les souillures de l’orgie. »

Aphrodisia condamnée : « L’ivresse, le dépit, la colère, toutes les passions à la fois, même cet instinct de cruauté qui séjourne au cœur de la femme, agitaient l’âme de Bacchis au moment où elle frappa ».

« Ils [Démétrios et Chrysis] restèrent ainsi sans mouvement, liés ensemble, mais non pénétrés, dans l’exaltation croissante d’un inflexible désir qu’ils ne veulent pas satisfaire. »

« - Ne suis pas cet homme, lui dit Chimairis [à Melitta]. Celles qui le voient une fois connaissent la douleur. Celles qui le voient deux fois jouent avec la mort. »

« - Faut-il te répéter cent fois les mêmes choses ! Oui, j’ai pris le miroir ; oui j’ai tué la prêtresse Touni pour avoir le peigne antique ; oui, j’ai enlevé du col de la déesse le grand collier de perles à sept rangs. Je devais te remettre les trois cadeaux en échange d’un seul sacrifice de ta part. C’était l’estimer, n’est-il pas vrai ? Or j’ai cessé de lui attribuer cette valeur considérable et je ne te demande plus rien. Agis de même à ton tour et quittons-nous. J’admire que tu ne comprennes point une situation dont la simplicité est si éclatante. »

« L’Esclavage ! L’Esclavage ! Voilà le vrai nom de la passion. Vous n’avez toutes qu’un seul rêve, qu’une seul idée au cerveau ; faire que votre faiblesse rompe la force de l’homme et que votre futilité gouverne son intelligence ! » (p267)
« Le visage de Chrysis s’était éclairé peu à peu de cette expression éternelle que la mort dispense aux paupières et aux chevelures des cadavres. »

« Il se rappelle les paroles dite par Chrysis lors de leur première entrevue : « Tu ne connais que mon visage. Tu ne sais pas comme je suis belle ! »

« Déjà il ne restait rien de cette beauté plus qu’humaine. »


Portrait de l'écrivain.

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