Les vagues se fracassaient contre la coque du L'Abyssal, un vieux navire de pêche qui avait bravé plus de tempêtes que ses marins n'avaient compté d'années. Ce soir-là, la mer était étrangement calme, presque trop calme. Une brume épaisse enveloppait le bateau, étouffant les sons et créant une atmosphère lourde et oppressante.
Le capitaine Armand Leclerc, un homme robuste avec des mains calleuses et un visage marqué par le sel et le soleil, observait l'horizon avec un froncement de sourcils. Quelque chose n'allait pas, mais il ne pouvait pas dire quoi. La lune, pleine et argentée, semblait suspendue dans le ciel comme un œil vigilant.
"Capitaine, y a quelque chose là-bas !" cria Jules, l'un des jeunes marins, en pointant vers l'eau. Armand suivit le regard du garçon et vit une silhouette gracieuse qui se découpait sous la surface. Elle était magnifique, avec une longue chevelure noire flottant autour d'elle comme une couronne d'algues et des écailles scintillantes qui captaient la lumière lunaire.
"Une sirène," murmura-t-il, fasciné malgré lui. Les légendes parlaient de ces créatures mythiques, mais Armand n'avait jamais cru qu'il en verrait une de ses propres yeux. La créature leva la tête et leurs regards se croisèrent. Ses yeux étaient d'un bleu profond, presque hypnotiques.
"Capitaine, on devrait partir," dit François, le plus vieux des marins, sa voix tremblante. "Ces créatures apportent la mort et la désolation."
Mais Armand était déjà envoûté. La sirène commença à chanter, une mélodie douce et enivrante qui semblait résonner dans l'âme de chacun. Les marins, comme attirés par un aimant invisible, s'approchèrent du bord, les yeux vides et fixés sur la silhouette enchanteresse.
La chanson de la sirène parlait de promesses d'amour éternel et de paix infinie, et ses mots s'infiltraient dans les esprits comme une brume empoisonnée. Armand sentit son corps se détendre, ses soucis s'envoler. Il ne voulait rien d'autre que rejoindre cette créature magnifique.
Alors qu'il montait sur le bastingage, prêt à plonger, il aperçut un instant fugace de terreur dans les yeux de François. Ce moment de lucidité lui permit de reprendre ses esprits. "Reculez, tous !" cria-t-il, mais sa voix était faible, presque étouffée par le chant de la sirène.
Les autres marins n'entendirent pas. Un à un, ils se laissèrent tomber dans l'eau, leurs corps disparaissant dans les profondeurs. Armand, luttant contre l'enchantement, saisit une corde et l'enroula autour de sa taille, s'attachant fermement au mât principal. Le chant de la sirène devint plus fort, plus insistant, mais il se força à penser à sa famille, à son village, à tout ce qu'il laisserait derrière lui.
Soudain, la sirène apparut à la surface, son visage à quelques centimètres d'Armand. Ses traits étaient d'une beauté inhumaine, mais ses yeux, ces yeux autrefois captivants, révélaient maintenant une cruauté glaciale. "Viens," murmura-t-elle, ses lèvres formant un sourire cruel.
"Jamais," répondit Armand, la voix rauque. Il ferma les yeux et récita une vieille prière que sa mère lui avait apprise. La sirène poussa un cri strident, de rage et de frustration, avant de disparaître sous les vagues, emportant avec elle les âmes des marins ensorcelés.
Le lendemain matin, les garde-côtes trouvèrent L'Abyssal dérivant à la dérive, ses voiles battant faiblement au vent. Armand était le seul survivant, attaché au mât, les yeux ouverts mais vides, hantés par les horreurs de la nuit précédente.
Il ne parla plus jamais de ce qui s'était passé, mais dans ses cauchemars, il entendait encore le chant de la sirène, et voyait les visages de ses camarades, perdus à jamais dans les abysses.
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