Il y a 60 ans, la bataille d'Alger
VIDÉO. Le 8 janvier 1957, 6 000 parachutistes envahissent la ville blanche pour mettre fin, par tous les moyens, aux attentats du FLN. Une très sale besogne.
PAR FRANÇOIS MALYE
Modifié le 07/01/2017 à 09:44 - Publié le 07/01/2017 à 09:32 | Le Point.fr
Il est dix heures du matin, ce 7 janvier 1957 quand le général Massu, en treillis léopard, gueule de travers des mauvais jours, rentre dans le vieux palais d'Alger où il a installé son état-major. L'arrêté que vient de lui remettre le préfet Serge Baret, sur ordre du ministre résidant en Algérie, Robert Lacoste, transfère au patron de la prestigieuse 10e division parachutiste l'ensemble des pouvoirs de police. Celle-ci étant incapable d'enrayer les attentats commis par le FLN (Front de libération nationale) à Alger, c'est à l'armée d'agir. Le lendemain, 6 000 parachutistes investissent la ville blanche. La bataille durera jusqu'au 8 octobre et s'achèvera par le démantèlement du FLN de la zone autonome d'Alger. Il s'agit d'une sale besogne que le pouvoir politique, déliquescent, se résout à remettre entre les mains des militaires, eux-mêmes peu désireux de se livrer à une opération de police.
Pour gagner, les méthodes employées sont radicales. Le général Aussaresses racontera, comment, alors commandant, il pénètre mitraillette au poing dans les locaux de la police et rafle les fichiers de l'ensemble des Algériens susceptibles, de près ou de loin, d'aider le FLN. S'ensuivent les arrestations, la torture, souvent les exécutions. À lui seul, à la tête de son escadron de la mort, Paul Aussaresses avouera avoir tué de sa main 24 personnes. Quant à la torture, elle était, selon lui, « généralisée » à son arrivée à Alger.
3 000 disparus
Le 28 mars, le général Jacques Pâris de Bollardière, l'un des soldats français les plus décorés, condamne publiquement ces méthodes. Il est relevé de ses fonctions et condamné à 60 jours de forteresse. En septembre, c'est au tour du secrétaire général de la préfecture d'Alger, Paul Teitgen, ancien résistant, de démissionner. La liste des disparus qu'il a réussi à tenir compte plus de 3 000 noms, chiffre que validera le général Aussaresses : « Oui, cela doit correspondre à peu près à la réalité. Teitgen avait en effet découvert qu'on le roulait dans la farine depuis longtemps. Je lui faisais signer des assignations à résidence, ce qui permettait d'enfermer les personnes arrêtées dans des camps. (…) En fait, on exécutait ces détenus, mais Teitgen ne s'en est rendu compte qu'après coup. »
Comment en est-on arrivé là ? Conspué à Alger le 6 février de l'année précédente par les pieds-noirs – les Européens d'Algérie –, Guy Mollet, le président du Conseil change son fusil d'épaule. Il choisit de livrer la guerre au FLN qui, depuis deux ans, multiplie les attaques. Vote des pouvoirs spéciaux qui permettent, entre autres, les perquisitions de jour comme de nuit, l'envoi du contingent, les premières exécutions capitales de militants du FLN... Celui-ci réplique à coups de bombes posées dans les endroits fréquentés d'Alger. C'est pour faire cesser cet engrenage que le pouvoir décide d'utiliser l'armée. Après juin 1940, Diên Biên Phu et l'opération avortée de Suez, celle-ci a enfin gagné une bataille. Mais à quel prix.
Source: le point