Contexte historique
2002, je n’ai que 4 ans, l’économie mondiale est en baisse, les guerres du golf provoquent la hausse du prix du pétrole, une des raisons d’une récession économique mondiale. Du côté de l’industrie du jeu vidéo, l'industrie est en train de connaître également un tournant : des nouvelles technologies apparaissent : le z-targeting, on s’essaye à la reconnaissance de mouvements sans vrai succès, on voit aussi les graphismes s’améliorer, et notamment la 3D qui progresse.
Cependant, la situation est tendue : la guerre fait rage entre Nintendo et Sega, Sony quand elle accroît ses parts de marché avec sa PlayStation 2, aujourd’hui toujours la console la plus vendue de tous les temps, mais un nouvel acteur va venir menacer Sony : c’est Microsoft. Si Microsoft sortira sa propre console le 15 Novembre 2001 aux Etats-Unis et le 14 mars 2002 en Europe, elle regorgera de jeux mythiques qui lui ont créé un vrai univers, pourrait-on dire un vrai lore. Mais Sega en rude concurrence avec Nintendo est au bord du précipice, sa dernière console la DreamCast n’a pas du tout marché, avec seulement 8,2 millions de vente dans le monde, elle décide de miser sur Microsoft pour assurer sa survie. L’entreprise décide alors de faire pour Microsoft un jeu. Sega s’engage alors dans le développement d’un jeu grâce à sa branche de recherche et développement de jeux de sport : SmileBit. SmileBit développera un jeu qui ne passera pas inaperçu par les joueurs de l’époque. Dans ma vidéo sur Nintendo je vous avais expliqué comment chaque console avait parfois les exclusivités sur certaines licences, je vous avais parlé de Forza ou de Halo, et bien il existe un jeu oublié de quasiment tous, qui pourtant, a marqué la génération de sa toute première console Xbox original et ce jeu, c’est Jet Set Radio Future.
Aujourd’hui on va parler d’un des jeux de mon enfance qui m’a beaucoup marqué et qui vaut le détour et qui mérite d’être remis au goût du jour.
JSRF c’est un jeu où l’histoire est selon moins secondaire, mais je préfère vous éclairer sur son synopsis : “Jet Set Radio Future se déroule à Tokyo-To, (une sorte de Tokyo fictive alternative) au Japon, en 2024, où un gang de rue connu sous le nom de GG se bat pour le contrôle des rues contre des gangs rivaux mais aussi contre la grande et puissante société connue sous le nom de groupe Rokkaku, dirigée par Gouji Rokkaku. Le groupe Rokkaku tente de prendre le contrôle de Tokyo-to par la force et de le convertir en un État policier totalitaire.
Le jeu met initialement le joueur aux commandes de YoYo, un aspirant membre des GG, qui doit passer une série de tests pour les rejoindre, ces tests-là forment essentiellement un tutoriel pour le joueur. Une fois cette opération terminée, le joueur est libre d'explorer Tokyo-to et de commencer le combat contre le groupe Rokakku et les gangs rivaux en tant que YoYo, Corn ou Gum, qui sont les 3 personnages du début du jeu.”
Un jeu innovant
Vous l’avez compris votre but premier est de dominer toute la ville et pour cela, vous devez marquer votre territoire, ici ce n’est pas Breaking Bad, on ne vend pas de la meth, c’est quand même un jeu interdit au moins de 12 ans, ici on va devoir couvrir la ville de graffitis et de tags dans le but que votre gang devienne le numéro 1 de la ville. Si cette idée ne vous emballe pas, essayez simplement de jouer 5 minutes et je suis sûr que serez conquis. Commençons par l’aspect le plus évident, les graphismes. Je me rappellerai toujours à quel point ils m’ont fasciné lorsque j’y ai joué pour la première fois. Les graphismes sont magnifiques ! Enfin aujourd’hui cela peut sembler grotesque, avoir mal vieilli mais quand j’ai découvert ce jeu, c'est-à-dire environ en 2007, soit tout de même 5 après sa sortie, je le trouvais encore magnifique. Or à cette époque j’étais constamment dans les jeux-vidéos, donc j’avais tout de même un certain regard critique. C’est vrai que je passais la plupart du temps sur des consoles Nintendo aux hardware moins puissants, et c’est vrai aussi que je ne connaissais pas encore les nouveaux graphismes que les nouvelles consoles avaient pu apporter comme la Xbox 360 ou la PS3, mais j’arrivais à apprécié ce jeu. Si j’appréciais ce jeu vieux de 5 ans, imaginez l’effet qu’il avait dû faire à sa sortie en 2002 ! Je ne sais pas si vous vous rendez compte que pour un jeu de 2002, c’est un très beau jeu. Il y a une raison à cela et c’est parce que ce jeu est l’un des premiers à utiliser une technique qui s’appelle cel-shading. “Le cel-shading est un moyen de rendre des objets 3D en ayant l’apparence d’apparaître plus 2D ou de type dessin animé, cartoonesque” Pour cela, il suffit de prendre le modèle 3D d’un objet ou d’un concept, puis de lui appliquer les couleurs prédéfinies sans apporter trop de nuances ou de reflets, puis on marque les contours on y incluant un dégradé d’ombre qui se voit clairement.
Le jeu de référence pour avoir utilisé cette technique est Zelda Wind Waker qui est sorti après JSRF ! En fait, JSRF c’est la suite de JSR sorti 2 ans avant qui était le tout premier au monde à proposer cela. Ceci démontre un premier point, la série JSR et surtout JSRF est un jeu génial, parce que c’est un jeu qui proposait sur beaucoup d’aspects quelque chose de nouveau, de jamais vu ! Si l’on compare les graphismes entre le 1er Opus, et le deuxième, le deuxième est plus qualitatif, plus travaillé et arrive à donner un aspect cartoon sans perdre l’essence de la 3D qui auparavant ressemblait pour beaucoup à de la vieille 3D, qui débutait. JSRF c’est un jeu crédible, réaliste ! Tout d’abord, le jeu propose une reproduction de certaines rues ou de certains quartiers du vrai Tokyo. Les Japonais étant très fiers de leur pays, s’en inspirent pour toutes sortes d’art. La première grande zone du jeu que vous explorerez appelée “Dogenzaka Hill”, s’est inspirée d’une vraie allée aussi remplie de magasins d’antiquités et de “love hotel” appelée Dogenzaka dans le quartier de Shibuya à Tokyo. D’ailleurs cette zone se retrouve également dans d’autres oeuvres comme “JuJutsu no Kaisen”, manga très célèbre ces derniers temps. Pour continuer dans l’inspiration architecturale, “Chuo Street”, une autre zone du jeu fait référence à l'artère principale d'Akihabara, un autre quartier de Tokyo, célèbre pour ses boutiques geek et pop-culture mais surtout populaire pour ses arcades de jeux vidéos d'où un immense bâtiment Sega est clairement visible. Enfin, c’était le cas quand j’y étais allé en 2016, mais malheureusement le magasin a fermé très récemment.
Si certains quartiers inspirés de la réalité donnent un aspect de réalisme, c'est sa patte graphique qui a grandement contribué à faire de ce jeu, un jeu marquant, un jeu spécial. Ce trait crayonné, cartoonesque avait quelque chose de spécial, de jamais vu, de jamais enfin réussi ! Je crois que c’est d’ailleurs le genre graphique, l’esthétisme qui me plaît le plus. En découvrant le travail de Tobias Dray, un compositeur français, je remarque des similitudes entre la couverture de son titre “HMU’ qui dépeint une jeune fille cartonnée sur un immeuble, et JSRF et c’est grâce à ça que j’ai replongé dans cet univers. Même la photo de profil de Tobias Dray en ce moment rappelle ce côté cartoonesque. En fait j’adore le cel-shading et c’est une des raisons qui a sans doute dû me faire aimer “Galactik Football” par exemple. Vous avez sans doute connu beaucoup de visuels cel-shading sans le savoir. Si les graphismes sont une chose, vous le remarquez à l’écran, regardez à quel point c’est fun de jouer à ce jeu ! Pourquoi ? C’est l’un des premiers jeux qui donne un vrai sentiment de liberté ! A l’époque, le troisième jeu de la licence GTA sortait un an plus tôt et proposait un premier open-world, JSRF donnait la même idée. A la différence de GTA, JSRF est composé de différentes zones qu’il faudra explorer pour affronter différents gangs tout en échappant à la police totalitaire, ce n’est pas un open-world, mais était considéré par beaucoup comme tel ! Imaginez qu’à l’époque pouvoir se déplacer à travers des quartiers à vitesse plus ou moins réalistes c’était juste fantastique, parce qu’on pouvait s’imaginer dans le jeu, on pouvait s’imaginer faire ça dans la réalité, avant on émettait une distinction avec le jeu-vidéo, les gens comprenaient que c’était de la fiction. Ici, les graphismes, et le genre du jeu de sport, pouvaient nous donner un sentiment de réalisme et même de possible, bien sûr je ne parle pas des dérapages des rollers sur les rambardes. Il existe cependant un détail que je découvre avec des yeux d’adulte qui me fascine.
Capturer une époque comme personne
Dès les premières secondes du jeu, vous verrez que les personnages se déhanchent bizarrement, ils effectuent des mouvements bizarres n’est-ce pas ? Pas tant que ça, ce sont des pas de hip-hop, certains affiliés au breakdance une sous-catégorie de danse du hip-hop. Par exemple, le personnage avec lequel vous débutez le jeu, un certain “Beat”, fait du “toprock” un ensemble de mouvements appartenant au breakdance; qui permettent d’échauffer le corps avant de se lancer dans des mouvements qui demandent des efforts physiques considérables. Ces mouvements font partie intégrante de la culture hip-hop et sont aujourd’hui plus un moyen de montrer son appartenance à ce-dit mouvement. “Beat”, un personnage jouable du jeu fait par exemple des mouvements qui ne sont pas sans rappeler ce que faisait “public ennemy” au début fin années 1990 début 2000 ou même Mob Deep. Et c’est cela qui est très intéressant, ce jeu transpire un contexte, une époque particulière. Dans l’émission “à l’origine” de Culture Prime, un média social constitué de 6 entreprises de l’audiovisuel français ayant pour but de diffuser la culture, que je vous recommande : un reportage est fait sur la ville de Marseille et l’un de ses intervenants DJ Djel, de la Fonky Family explique : “ une époque, c’est une époque, Brooklyn des années 1980, c’est brooklyn des années 80, on ne pourra pas revivre cette époque, mais par contre ceux qui l’ont vécu, ont cette âme-là et dégage cette aura-là.”
Et c’est exactement ce que l’on ressent quand on joue au jeu. Ce jeu respire et inspire l’ambiance hip-hop des années 2000. A ce moment-là, le rap devient de plus en plus accepté et populaire en occident, s’il est mouvement contestataire afro-américain, il devient un hymne pour toutes personnes qui ont des revendications sociales et c’est ça qui est intéressant. On part d’un mouvement contestataire qui 20 ans plus tard aura ses codes empruntés dans le monde du jeu-vidéo. Surtout que c’est un pari difficile, le rap à cette époque est traversé du gangsta-rap et n’est pas bien vu des adultes. Comment faire accepter cela au grand public adulte qui achète ces jeux ? Les jeux sont pensés pour les cibles de ces jeux et à l’époque tout enfant ou adolescent adore le mouvement hip-hop, Biggie, 2Pac sont des icônes, ils décident alors de faire un jeu empruntant les codes du hip-hop. Si le jeu avait été pensé pour un public américain, ayant même son nom modifié pour le marché américain avec “jet grind radio future” il ne se vendra pas très bien avec seulement 80 000 copies aux USA durant les 6 premiers mois et quelques 28000 copies au Japon, que l’on peut expliquer par la récente entrée sur le marché de la xbox, qui en tant que boîte américaine ne devait sûrement pas plaire aux japonais qui en plus étaient déjà très bien servi sur leurs territoires. Cependant c’est regrettable parce que le jeu est très très bien noté allant au minimum généralement de 16/20 à 100% sur certains forums des années 2000 et reste actuellement très très bien noté pour ceux qui y ont joué.
Pour revenir au contexte du jeu, rappelez-vous que ce jeu était censé se passer en 2024, mais pourtant si l’on regarde les décors du jeu et son ambiance très hip-hop quelque chose devrait vous sauter au visage. L’ambiance n’est absolument pas futuriste. Là où la plupart des futurologues ou créatifs imaginent loin, souvent trop loin, on décèle tout de même une part de vérité. Chez Orwell, et son livre 1984 : les écrans qui nous épient sont notre quotidien, certains y verraient avec le wokisme le crime de la double-pensée. Dans ma dernière vidéo je parlais du réalisme avec lequel black ops 2 avait été pensé, imaginé les futures technologies sollicitées pour la guerre. De même pour les histoires de Asimov ou Philip K Dick, vers lesquelles on se rapproche. Mais dans ce jeu, pas d’ambiance futuriste à outrance, des immeubles plus que banales, des voitures contemporaines. Même la zone du jeu 99th Street, éclairée de ses néons, ne fait même pas spécialement penser à une atmosphère cyberpunk, un comble pour un décor japonais puisque le cyber-punk est représenté ou inspiré des mégalopoles japonaises et sud-coréennes plongées dans une obscurité continuelle éclairées par des néons oppressants. Voilà ce qui est étrange, les concepteurs du jeu ont vu l’arrivée du hip-hop comme un mouvement émergeant qui risque de rester sur le devant de la scène sociétale mais, ils n’ont pas réussi ou pas voulu redéfinir, réimaginer un néo-tokyo. Une raison à cela serait que ce jeu est caractérisé comme un jeu de sport et c’est son gameplay et non son environnement qui importe.
JSRF : seulement un jeu de sport ?
En effet le jeu est caractérisé comme un jeu de sport, ce qui semble assez logique puisque vous vous déplacez continuellement en rollers ! D’ailleurs les jaquettes des jeux, ont choisi un design particulier : les pieds, les rollers sont disproportionnés par rapport à la tête. C’est comme si les êtres humains avaient muté, d’ailleurs pour l’anecdote à la sortie du premier jeu, on pouvait voir le personnage “Beat” avec 6 doigts sur la main gauche, on pense que c’est une erreur, puisque les prochaines jaquettes auront corrigé cette anomalie. Plus concrètement, le message derrière ce choix de dépeindre des rollers disproportionnés peut être le suivant : roulez, c’est tout, ne pensez pas, foncez et vivez l’aventure de la vie. D’ailleurs vu les cascades que l’on effectue, on pourrait ranger JSRF dans la même catégorie que son homonyme Tony Hawk Pro Skater, un jeu de sport dans lequel vous passez votre temps à faire des figures acrobatiques dans un skatepark. Mais à contrario de ce dernier jeu, si le gameplay de JSRF se caractérise à travers toutes les pirouettes et autres figures que vous ferez pour vous déplacer, il est totalement différent de la licence des “Pro Skater”. Pourquoi ? Et bien dans JSRF cette mécanique de sauts, n’est faite que pour vous faire gagner de la vitesse lors de vos descentes ou montées sur les rambardes, ce que l’on appelle d’ailleurs le “grinding” en skateboard. Cette mécanique de jeu peut aussi être réalisée pour vous amuser, son intérêt principal sera de vous déplacer, comme si vos rollers étaient aimantés aux rambardes. JSRF ce n’est pas seulement un jeu de sport, c’est aussi surtout un jeu de plateforme, tant la progression de certaines zones sont parfois verticales. De nouveau, ici le jeu propose quelque chose de neuf. Si l’on observe bien, vous arpentez tokyo-to à la recherche de nouveaux endroits à taguer, à couvrir de graffitis. Pour faire cela, vous devrez obtenir différentes bombes de peintures disposées un peu partout dans le décor. Les bombes jaunes vous obtiendront 1 unité, les bleus 5 unités et les rouges vous redonneront de la vie. Ce qui est intéressant à relever dans JSRF c’est que votre art est à la fois votre moyen d’expression mais également votre arme.
L’opposition au conventions établies
En 2000 à l’orée de la sortie de Jet Set Radio ou Jet grind Radio aux USA sur sa dernière console DreamCast, Sega organise un concours de graffiti intitulé “Le graffiti est de l’art pas du vandalisme” à San Francisco. Ce coup de communication est bien trouvé et permet de partager à tous la nouvelle d’un futur jeu qui se concentrera à 100% sur le graffiti. C’est alors que le maire de l’époque William Brown chercha à interdire l'événement, il redoute une incitation aux tags, il redoute un déferlement de graffitis dans les rues de sa ville. Sega gagne son bras de fer en prouvant toute sa légalité dans cette affaire et son droit d’organiser ce tournoi. Cet évènement représente exactement le message que le jeu veut transmettre à la société et nous allons voir cela tout de suite.
JSRF est devenu un jeu si particulier grâce à 3 personnes. Pour cela il faut remonter à la création du premier jeu JSR. La première personne qui nous intéresse c’est Masayoshi Kikuchi, qui a été le chef de projet de Jet Set Radio. L’autre personne est le directeur artistique Ryota Ueda. Parlons de ces deux-là. Kikuchi et Ueda venaient de terminer le jeu “Panzer Dragoon Saga” en 1999 pour la Sega Saturn. Après avoir travaillé sur un titre fantastique aussi difficile, Kikuchi déclare à SEGA que son équipe voudrait travailler sur quelque chose de complètement différent de Panzer Dragoon, quelque chose qui avait rapport à la pop culture. Le concept initial du jeu JSR est proposé par Ueda, le directeur artistique, propose un scénario pour Jet Set Radio en imaginant un enfant des rues au look punk portant des écouteurs et se faufilant entre les gens dans une ville bondée. A partir de là, l'équipe a été inspirée par les thèmes anti-traditionnel ou anti-conservateur du film de l’époque : Fight Club. La mécanique du graffiti de Jet Set Radio représente la combinaison parfaite entre la non-conformité aux valeurs traditionnelles en incluant la rue et la pop-culture.
La contestation aux valeurs traditionnelles se retrouve aisément dans le jeu : plusieurs fois, vous rencontrerez la police et son chef Hayashi qui s'opposeront à votre parcours. Pour les affronter vous devez taguer la tête des policiers ou taguer les tanks, oui des tanks qui viendront vous tirer dessus. Ici le message sous-jacent est rendu visible aux yeux de tous : la jeunesse s’oppose aux générations plus anciennes à travers quelque chose de nouveau, qui emmerde les conventions établies.
La pop-culture et la rue sont les 2 atouts de cette attaque aux normes sociétales, mais surtout une attaque envers la société japonaise. Il faut comprendre qu’au Japon, si tu ne fais pas partie de la norme, tu seras ostracisé, là où c’est moins le cas dans certains pays occidentaux. Les développeurs se sont notamment inspirés de leurs adolescences pour raconter ce qu’ils ont vécu dans les années 80 et 90 où progressivement de nouvelles formes d’arts apparaissaient et durant lesquelles, les gens commençaient à s’exprimer librement. Comme ils le racontent, la rue change totalement le paysage. entre 1980 et 2000 on pouvait voir un nouveau tokyo chimérique. Ici ils livrent leur combat, ils s’opposent symboliquement aux générations passées mais surtout ils mettent en avant une culture populaire toujours pas totalement acceptée à l’époque.
Le jeu JSRF dit de la part de ses créateurs : “nous ne nous conformons pas à votre société”.
La pop-culture et la culture urbaine sont de l’art.
Pour montrer leur mécontentement, les créateurs utilisent les nouveaux courants d'arts musicaux notamment, pour s’opposer aux musiques traditionnelles imposées par les plus vieilles générations. Ce qu’il faut bien se rendre compte c’est que le jeu a une influence hip-hop pourtant le style des personnages et leurs accessoires, permet de situer un courant particulier des années 2000. Le “punk pop”, à cheval entre du rock débridé, pleins de riffs et de la music pop : ce courant avait aussi un style vestimentaire reconnaissable. Des groupes comme Blink -182, SUM 41, Aerosmith, Green Day ont popularisé ce genre. Justement sii l’on regarde particulièrement le clip qui représente le mieux le genre, intitulé “in too deep”, de Blink -182, où se passe-t-il ? Dans un skatepark ! On observera les cheveux qui sont en pétards, les couleurs des vêtements sont totalement disparates et aujourd’hui pourrait-on dire de mauvais goût. Dans d’autres clips plus “emo” qui s'immiscera plus tard dans le registre pop punk, on y verra des accessoires comme des bonnets, des piercings, des lunettes, des casques, exactement comme dans Jet Set Radio Future.
A ce moment précis entre les années 90 et 2000, le visage urbain changeait totalement : différents nouveaux mouvements apparaissent tout le temps dans les rues. (mettre vidéo qui suit dès 2:13) Cela se ressent notamment dans la musique ! Par exemple, c’est au Japon qu’est né le lofi, enfin à l’époque c’était plus le chillhop ou jazzpop et c’était ce Dj japonais Nujabes, qui l’a popularisé dans les années 2000. Cette musique mélangeait du jazz et des sons calmes avec des sonorités hip-hop. Pour pousser l’analyse encore plus loin, le directeur d’animation Shinichiro Watanabe, un très grand réalisateur d’animation japonaise choisit un seul genre de musique pour chaque anime qu’il réalise. C’est là qu’on voit l’influence de Nujabes notamment, puisque le jazz bebop et le jazzhop constitue l’intégrale du premier anime, le plus connu d’ailleurs qu'il ait réalisé : Cowboy Bebop. Tandis que Samuraï Champloo, un autre anime de Shinichiro Watanabe, a une atmosphère hip-hop dans laquelle Nujabes a participé puisque c’est lui qui a réalisé la bande son originale de toute l’anime. Je vous conseille ces 2 chefs-d'œuvre si vous ne les avez jamais vus. La musiques est un des médiums qui est importants au Japon, il n’a qu’à regarder le manga Jojo’s bizarre adventure pour se rendre compte que quasiment tous les pouvoirs des personnages font référence soit à un vrai groupe de musique soit à des musiques connues.
Cette révolution sonore se ressent dans le jeu et c’est maintenant le moment de vous présenter la 3ème personne qui a autant contribué à faire de JSRF ce qu’il est. La bande originale du jeu, principalement composée par Hideki Naganuma, proposera des musiques pour les moins… étonnantes. Si l’influence hip-hop reste évidente avec des bruits de scratch, qu’on entend dans les musiques, vous pourrez aussi reconnaître divers bruitages d’une radio qui grésille durant les temps de chargement du jeu, qui ne sont pas sans rappeler les grosses enceintes Ricatech des années 80 utilisées par les codes hip-hop. On retrouve d’ailleurs cette enceinte sur l’épaule gauche du personnage “Combo”. On peut également apercevoir des enceintes vintage grâce au personnage “DJ Professor K”, qui sera une sorte de personnage non-joueur omniscient qui vous aidera dans votre aventure. Donc le hip-hop est omniprésent, mais le hip-hop n’est pas le seul genre de musique, il y a beaucoup, beaucoup d’autres types de musiques. Naganuma dit avoir emprunté à beaucoup de styles : J-pop, hip hop, funk, electronic dance, rock, acid jazz, and trip hop ! Il y a également quelques groupes qui ont participé à l’écriture de la bande son, leurs noms s’affichent à l’écran. Cela donne un aspect parfois bordélique mais globalement ça sonne bien et en fait on s’ambiance, on passe un bon moment. Comme le disait lui-même Naganuma : “le jeu devait être cool et fun et j’ai essayé de retranscrire ça.” D’ailleurs quand on parcourt les vidéos au sujet du jeu, ses musiques restent les choses qui restent le plus dans la mémoire des gens. Le sampling est marrant, Naganuma confesse avoir repris des paroles de vieilles émissions comiques britanniques, puis après les avoir modifiées, les a incorporées pour que les paroles n’aient plus aucun sens. Dans la musique “let mom sleep” on peut entendre une dame dire avec une voix modifiée plutôt ridicule “would you stop playing with that radio of yours, I’m trying to get some sleep” “peux-tu arrêter de jouer avec cette radio, j’essaye de dormir !” On en revient au dernier point : c’est comme si Naganuma se moquait de ces vieilles générations qui ne savent plus s’amuser, qu’il moque, le tout ironiquement dans une musique très rythmée. Quelle cohérence de A à Z. Je vous recommande cependant les musiques “Funky Dealer” ou “Humming the baseline” qui sont des musiques très cool. Le seul point négatif que je trouve de mon côté, c’est que ce côté entraînant, fun peut saouler à la longue surtout quand vous galérez dans un niveau du jeu et que vous entendez cette musique pendant 30 minutes (1h05). Parce que oui, le jeu n’est pas si facile, certaines easter-eggs sont des vraies tortures à récupérer et compléter le jeu à 100% est un vrai casse-tête, surtout que le jeu n’est pas sans dysfonctionnalités. Dû à une caméra mal configurée, vous aurez du mal à vous repérer dans l’espace et à contrôler votre avancée, c’est dommage. Ce sera aussi problématique pour taguer les zones du jeu : généralement vous devrez passer plusieurs fois sur le même tag et c’est un peu frustrant.
Pour terminer sur cet hommage à l’art de rue, je ne fais que le lien maintenant mais tout le parcours que vous ferez dans le jeu pour taguer la ville sans vous faire arrêter par la police me rappelle le film Yamakasi de Luc Besson sorti en quelle année ? En 2001, comme par hasard à la même époque. C’était d’ailleurs à ce moment-là qu’on commençait à voir des films sur la banlieue. Ce jeu représente donc parfaitement le pouvoir qu’a la pop-culture et l’art de rue.
D’ailleurs la pop-culture est présente un peu partout, petit clin d'œil à mon ami Thibault : il existe un panneau d'affichage qui présente un joueur de tennis avec des manches et un short bleu foncé et une casquette blanche, ressemblant étroitement aux tenues présentées dans Prince du tennis. Le panneau d'affichage indique également “contrail” ; qui pourrait s'agir d'une référence à un single musical du même nom réalisé par Toto Oh Tony, un personnage de Prince of tennis dans le manga, qui compose de la musique pendant son temps libre. Il y a beaucoup d’autres références pop-culture et je vous mets un lien qui s’affiche si vous voulez toutes les découvrir.
Conclusion
Jet Set Radio Future a pris environ le même temps de développement que pour son premier jeu, soit seulement 10 mois de développement avec une équipe de moins de 25 personnes ayant pour la plupart moins de 25 ans et c’est incroyable pour une équipe aussi jeune d’avoir pondu un jeu aussi intéressant et nouveau, notamment le chef de projet Kikuchi, devait géré la direction d’un jeu pour la première fois. Un grand merci à JSRF, à ses développeurs et aux personnes de près ou de loin qui ont participé à sa création, sans quoi cette vidéo n’existerait pas. J’ai passé des heures à jouer à ce jeu chez mes grands-parents et c’était un plaisir que de me remémorer tous ces souvenirs et ces bons moments dans lesquels je ne comprenais rien au jeu, durant lesquels je ne faisais que vadrouiller dans les zones du jeu en bousculant les personnages, ce qui me faisait beaucoup rire. J’avais beau éteindre et rallumer la console et donc recommencer le jeu à 0 car je ne comprenais pas comment sauvegarder à l’époque, je ne m’en lassais jamais, pour vous dire à quel point c’est un jeu fun. Voilà cette vidéo elle est dédiée à mes grands-parents chez qui je n’ai vécu que des bons moments et c’est grâce à eux que j’ai pu jouer à ce jeu. Je me rappellerai toujours le sentiment d’excitation que j’éprouvais en apprenant que je les rejoindrai prochainement pour les voir et pour jouer à ce jeu chez eux dans leur quartier de République à Paris. Comme je le disais je passais des heures à jouer à la xbox, une xbox que mes grands parents avaient reçu un peu hasardeusement, comme quoi la vie nous réserve toujours pleins de surprises. Il faut savoir que ce jeu n’est pas très connu et qu’il a fait tellement peu de ventes qu’il était gravé et un caché à l’intérieur du cd-rom du jeu SEGA GT 2002 dans sa commercialisation hors du Japon. Pour ma part, j’avais le jeu Sega GT 2002 donc je pouvais jouer à JSRF mais j’avais même le disque original ! Ce qui rend le jeu unique c’est que c’est un jeu rare, qui lui confère une aura mystique, ce jeu est toujours activement recherché aujourd’hui et je suis très fier d’en avoir une copie et d’avoir pu jouer à ce jeu mythique. C’est aussi grâce à ce jeu que je me suis intéressé au graffiti et c’est de là qu’est partie ma première approche, mon premier contact avec la culture urbaine et le hip-hop. Un créatif comme moi se posait déjà la question de ce que je pouvais faire plus tard au vu de ce que je voyais et entendais et je me disais que je ne pourrais jamais utiliser ma créativité. C’est le premier jeu qui valorisait autant la pop-culture et l’art de rue, à l’époque négativement connotée. Surtout qu’en voyant que les créateurs ont travaillé avec un vrai graffeur professionnel, M. Frédéric Haze, cela participait à crédibiliser la culture urbaine et ce jeu me permettait de comprendre que c’était possible d’aller au bout d’un travail qui sortait des sentiers battus ou des idées conventionnelles sur ce qu’était que de travailler. D’ailleurs à mes 12 ans j’ai été passionné de graffitis, je me rappelle que mes parents m’avaient acheté ce livre : “y’a écrit kwa” pour mon anniversaire ! Et je pense que cette passion vient pour beaucoup de ce jeu. J’allais même taguer à République, sur la place Jean Poulmarch pour ceux qui connaissent. Je mettais mon “blaze” qui était “woody” oui, oui comme le personnage de Pixar, c’était éclaté au sol mais je me croyais stylé. JSRF est un jeu génial et j’espère qu’il vous plaira autant qu’il m’a plu, en tout les cas vous faites partie des rares élus à connaître cette petite perle. Malheureusement SEGA n’a jamais refait de jeux similaires ou même une suite. Il y a bien plusieurs propositions que SEGA a décliné, il y a eu des propositions fanmade comme Jet Set Radio Evolution proposé par le studio Dinosaur Games qui montre à quoi pourrait ressembler une suite aujourd’hui. Il y a aussi des jeux indépendants qui ont repris toute l’univers de JSRF pour en faire un jeu plus futuriste comme Hover sorti en 2017 sur lequel Hideki Naganuma a d’ailleurs travaillé, mais ce jeu s’éloigne cette fois pas mal de la série JSR avec une ville carrément futuriste justement. Mais il y a un espoir, les gens attendaient un retour digne de ce nom et aujourd’hui celui qui fait vivre la hype autour de ce jeu c’est Naganuma qui comme nous l’avons vu ne lâche pas l’affaire, continue de travailler sur des projets similaires. Les seules personnes qui font vivre cette communauté sont les comptes de Dj Professor K, un compte Twitter qui parle JSRF et qui a créé une radio en ligne diffusant les sons des jeux, accessible 24h/24h. Il y a aussi le compte Twitter de Naganuma très actif qui promeut la saga JSR où il avait déclaré “Si Sega ne propose pas de suite, d’autres studios s’en chargeront” et c’est ce qui s’est passé. Le studio “Team Reptile” propose d’abord un jeu en 2018 intitulé “Lethal League Blaze” à l’esthétique très JSRF, mais ayant un gameplay totalement différent. Ce sera finalement le même studio qui hypera tout le monde avec un trailer du jeu “Bomb rush Cyberfunk” qui reprend tout de JSR dans un nouveau jeu ! J’ai hâte de voir ce jeu sortir pour pouvoir y jouer et qui sait, peut-être vous en proposer une vidéo un jour. Merci d’avoir regardé cette vidéo, j’espère que cette vidéo vous a autant passionné qu’elle m’a passionné à la créer. Avant de terminer cette vidéo je tenais à vous remercier pour votre soutien, mais avant qu’on se quitte, je vous demanderai de vous abonner, de commenter pour me dire si ce jeu vous inspire et de ne pas hésiter à liker si la vidéo vous a plu. C’était kenkazma, merci pour tout et je vous dis à très vite pour une prochaine vidéo.