Quelques jours seulement après que la Californie ait légalisé le cannabis et ouvert son marché légal, Jeff Sessions, le ministre de la Justice américain, a décidé de s’attaquer aux protections fédérales qui ont permis aux Etats américains de réformer leurs lois sur le cannabis.
Cannabis illégal au niveau fédéral, mais…
Le cannabis est illégal aux Etats-Unis au niveau fédéral. Il est classé au sein de l’Annexe 1 de la liste des substances contrôlées, au même titre que l’héroïne ou la cocaïne, une liste qui ne reconnaît aucune propriété médicale à ces substances.
La légalisation du cannabis dans les Etats américains repose en fait sur une série de mémorandums passés pendant l’administration Obama. Ces textes sont non-contraignants et guident l’action des procureurs fédéraux et, en l’occurrence sur le cannabis, restreignent l’intervention de l’Etat fédéral dans les activités d’un Etat liées au cannabis, pourvu que l’Etat n’exporte pas de cannabis dans un autre Etat et que le cannabis reste hors de portée des enfants et des circuits criminels.
Ces textes sont au nombre de 4 :
-Le mémo Ogden de 2009 qui a permis le développement du marché médical du cannabis
-Les mémos Cole de 2011, 2013 et 2014. Le premier a entraîné une vague de répression sur l’industrie du cannabis médical. Le deuxième visait à aborder l’apparente contradiction entre la prohibition fédérale du cannabis et les votes pour le légaliser au Colorado et dans l’Etat de Washington. Il a en fait défini les contours de l’industrie récréative du cannabis. Le troisième a tenté de régler les inquiétudes des banques à accueillir l’argent issu de la vente d’une substance interdite au niveau fédéral, avec plus ou moins de succès.
Le seul texte de loi réel sur le cannabis, l’amendement Rohrabacher-Farr, empêche le ministère de la Justice de dépenser des fonds pour interférer avec les lois des Etats sur le cannabis médical.
JEFF SESSIONS ANNULE LES MEMOS
Deux sources anonymes proches du dossier ont confié hier à The Associated Press que Jeff Sessions comptait annuler les mémos Cole, laissant la responsabilité et les mains libres aux procureurs fédéraux pour faire respecter la loi fédérale américaine dans leurs districts. Jeff Sessions a confirmé l’information en publiant une déclaration officielle.
Pour Jonathan Blanks, associé de recherche auprès du Projet Cato sur les questions de justice, l’annulation du mémo Cole « met en danger les entreprises légales de l’Etat et viole les principes du fédéralisme qui ont été au cœur du Parti Républicain depuis des dizaines d’années ».
« Bien que le consommateur de cannabis ne sera pas visé ou arrêté par le gouvernement fédéral, les propriétaires d’entreprise directement ou indirectement impliqués dans la distribution de cannabis récréatif pourraient voir leurs libertés et leurs moyens de subsistance menacés par cette action » ajoute Blanks. « Expliqué simplement, le ministère de la Justice utilise la loi pénale pour piétiner les prérogatives de l’Etat et les droits individuels. »
L’amendement Rohrabacher-Blumenauer protège toutefois l’industrie médicale et reste effectif…. jusqu’à son expiration le 19 janvier prochain en même temps que le budget fédéral, et qui sera repassé au vote à cette date.
QUELLES CONSEQUENCES ?
Il est très peu probable qu’on assiste à une répression immédiate et massive du marché légal du cannabis. Cela signifierait envoyer l’armée sur toute la côte Ouest des Etats-Unis, ce qui semble compliqué.
Plus certainement, cela va ajouter de l’instabilité à un marché qui fonctionne beaucoup à la confiance, et donc refroidir quelques ardeurs, que ce soit du côté des entrepreneurs ou des banques qui commençaient à travailler avec le secteur. Mais pas plus.
On devrait également rapidement voir une bataille légale s’organiser pour définitivement protéger l’industrie américaine du cannabis de sautes d’humeur d’un ministre de la Justice qui a déclaré n’avoir aucun problème avec le Ku Klux Klan jusqu’à ce qu’il découvre qu’ils fumaient aussi du cannabis.
Donald Trump avait promis pendant sa campagne de ne pas interférer avec les lois sur le cannabis des Etats. Suite à la déclaration de Sessions, la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Huckabee Sanders, a maintenu, dans un joli exercice d’équilibriste, que Trump ne revenait pas sur ses promesses de campagne, mais que le ministère de la Justice souhaitait « simplement donner aux procureurs les outils pour s’attaquer à des gros distributeurs et faire respecter la loi fédérale. La position du Président n’a pas changé, mais il croit fermement que nous devrions faire respecter la loi fédérale. »