par Iain Davis et Whitney Webb.
Dans ce premier épisode d’une nouvelle série, Iain Davis et Whitney Webb explorent comment les politiques de « développement durable » de l’ONU, les ODD (objectifs de développement durable), ne promeuvent pas la « durabilité » telle que la plupart la conçoivent et utilisent plutôt le même impérialisme de la dette utilisé depuis longtemps par l’empire anglo-américain pour piéger les nations dans un nouveau système de gouvernance financière mondiale tout aussi prédateur.
L’Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable est présenté comme un « plan commun pour la paix et la prospérité des peuples et de la planète, maintenant et à l’avenir ». Les 17 objectifs de développement durable, ou ODD, sont au cœur de ce programme.
Bon nombre de ces objectifs ont l’air sympathiques en théorie et brossent le tableau d’une utopie mondiale émergente – comme l’élimination de la pauvreté, de la faim dans le monde et la réduction des inégalités. Pourtant, comme c’est souvent le cas, la réalité qui se cache derrière la plupart – sinon la totalité – des ODD est constituée de politiques enveloppées dans le langage de l’utopie qui, dans la pratique, ne profiteront qu’à l’élite économique et renforceront son pouvoir.
Cela se voit clairement dans les petits caractères des ODD, car l’accent est mis sur la dette et sur la prise au piège des États-nations (en particulier les États en développement) par la dette comme moyen de forcer l’adoption de politiques liées aux ODD. Ce n’est donc pas une coïncidence si un grand nombre des forces motrices derrière les politiques liées aux ODD, à l’ONU et ailleurs, sont des banquiers de carrière. D’anciens cadres de certaines des institutions financières les plus prédatrices de l’histoire du monde, de Goldman Sachs à Bank of America en passant par la Deutsche Bank, figurent parmi les principaux promoteurs et développeurs des politiques liées aux ODD.
Leurs intérêts sont-ils vraiment alignés sur le « développement durable » et l’amélioration de l’état du monde pour les gens ordinaires, comme ils le prétendent maintenant ? Ou bien leurs intérêts se situent-ils là où ils se sont toujours situés, dans un modèle économique axé sur le profit et fondé sur l’esclavage par la dette et le vol pur et simple ?
Dans cette série d’enquêtes de Unlimited Hangout, nous explorerons ces questions et interrogerons non seulement les structures de pouvoir qui se cachent derrière les ODD et les politiques connexes, mais aussi leurs impacts pratiques.
Dans ce premier volet, nous explorerons ce qui sous-tend réellement la majorité de l’Agenda 2030 et des ODD, en passant outre le langage fleuri pour donner une image complète de ce que la mise en œuvre de ces politiques signifie pour le citoyen moyen. Les épisodes suivants se concentreront sur des études de cas basées sur des ODD spécifiques et leurs impacts sectoriels.
Dans l’ensemble, cette série offrira un regard factuel et objectif sur la façon dont la motivation derrière les ODD et l’Agenda 2030 consiste à réoutiller le même impérialisme économique utilisé par l’Empire anglo-américain dans l’ère post-Seconde Guerre mondiale aux fins de l’avènement d’un « ordre mondial multipolaire » et des efforts visant à promulguer un modèle néo-féodal mondial, peut-être mieux résumé comme un modèle d’« esclavage durable ».
La salade de mots des ODD
L’ONU éduque les jeunes des pays en développement pour qu’ils accueillent le « développement durable » sans révéler l’impact qu’il aura sur leur vie ou leur économie nationale, source : UNICEF.
La plupart des gens connaissent le concept de « développement durable », mais il est juste de dire que la majorité d’entre eux pensent que les ODD sont liés à la résolution de problèmes prétendument causés par la catastrophe climatique. Or, les ODD de l’Agenda 2030 englobent toutes les facettes de notre vie et un seul, l’ODD 13, traite explicitement du climat.
De la sécurité économique et alimentaire à l’éducation, en passant par l’emploi et toutes les activités commerciales ; nommez n’importe quelle sphère de l’activité humaine, y compris la plus personnelle, et il y a un ODD associé conçu pour la « transformer ». Pourtant, c’est l’ODD 17 – Partenariats pour les objectifs – qui nous permet de commencer à identifier qui sont réellement les bénéficiaires de ce système.
L’objectif déclaré de l’ODD 17 de l’ONU est, en partie, de :
« Renforcer la stabilité macroéconomique mondiale, notamment par la coordination et la cohérence des politiques. [Renforcer le partenariat mondial pour le développement durable, complété par des partenariats multipartites […] pour soutenir la réalisation des objectifs de développement durable dans tous les pays. [Encourager et promouvoir des partenariats efficaces entre le secteur public, le secteur public-privé et la société civile, en s’appuyant sur l’expérience et les stratégies de financement des partenariats ».
Nous pouvons en déduire que les « partenariats multipartites » sont censés travailler ensemble pour atteindre la « stabilité macroéconomique » dans « tous les pays ». Cet objectif sera atteint par la mise en œuvre d’une « coordination et d’une cohérence des politiques » fondées sur les « connaissances » des « partenariats publics, publics-privés et de la société civile ». Ces « partenariats » permettront de réaliser les ODD.
Cette salade de mots demande à être démêlée, car c’est le cadre qui permet la mise en œuvre de chaque ODD « dans tous les pays ».
Auparavant, il convient de noter que l’ONU se réfère souvent à elle-même et à ses décisions en utilisant un langage grandiose. Même les délibérations les plus banales sont traitées comme « historiques » ou « révolutionnaires », etc. Il y a aussi beaucoup de choses à dire sur la transparence, la responsabilité, la durabilité, etc.
Ce ne sont que des mots qui nécessitent une action correspondante afin d’avoir une signification contextuelle. La « transparence » ne signifie pas grand-chose si des informations cruciales sont enfouies dans d’interminables ramassis de charabia bureaucratique impénétrable, dont personne ne rend compte au public. La « responsabilité » est un anathème si même les gouvernements nationaux n’ont pas l’autorité nécessaire pour exercer un contrôle sur l’ONU ; et lorsque « durable » est utilisé pour signifier « transformateur », il devient un oxymore.
Démêler la salade de mots de l’ODD G3P-ONU
Le Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC) a commandé un document qui définit les « partenariats multipartites » comme suit :
« Des Partenariats entre les entreprises, les ONG, les gouvernements, les Nations Unies et d’autres acteurs ».
Ces « partenariats multipartites » sont censés œuvrer à la création d’une « stabilité macroéconomique » mondiale, condition préalable à la mise en œuvre des ODD. Mais, tout comme le terme « organisation intergouvernementale », la signification de la « stabilité macroéconomique » a également été transformée par l’ONU et ses agences spécialisées.
Alors que la stabilité macroéconomique signifiait autrefois « plein emploi et croissance économique stable, accompagnée d’une faible inflation », les Nations unies ont annoncé que ce n’était plus le cas aujourd’hui. La croissance économique doit désormais être « intelligente » afin de répondre aux exigences des ODD.
Il est essentiel que l’équilibre fiscal – la différence entre les recettes et les dépenses d’un gouvernement – tienne compte du « développement durable » en créant un « espace fiscal ». Cela dissocie effectivement le terme de « stabilité macroéconomique » de celui d’« activité économique réelle ».
Les ODD « transformateurs », source : ONU.
Le changement climatique est considéré, non seulement comme un problème environnemental, mais aussi comme un « grave problème financier, économique et social ». Il faut donc créer un « espace fiscal » pour financer la « coordination et la cohérence des politiques » nécessaires pour éviter la catastrophe annoncée.
Le département des Affaires économiques et sociales des Nations unies (DAES) note que « l’espace fiscal » manque d’une définition précise. Alors que certains économistes la définissent simplement comme « la disponibilité d’une marge budgétaire qui permet à un gouvernement de fournir des ressources pour un objectif souhaité », d’autres expriment la « marge budgétaire » comme un calcul basé sur le ratio dette/PIB d’un pays et la croissance « projetée ».
Le DAES suggère que la « marge de manœuvre budgétaire » se résume à « l’écart de viabilité de la dette » estimé ou projeté. Celui-ci est défini comme « la différence entre le niveau d’endettement actuel d’un pays et son niveau d’endettement durable estimé ».
Personne ne sait quels événements peuvent avoir un impact sur la croissance économique future. Une pandémie ou une autre guerre en Europe pourrait la restreindre fortement, voire provoquer une récession. « L’écart de viabilité de la dette » est un concept théorique qui ne repose guère plus que sur des vœux pieux.
En tant que tel, il permet aux décideurs politiques d’adopter une interprétation malléable, et relativement arbitraire, de la « marge de manœuvre budgétaire ». Ils peuvent emprunter pour financer des dépenses de développement durable, quelles que soient les conditions économiques réelles.
L’objectif premier de la politique budgétaire était autrefois de maintenir l’emploi et la stabilité des prix et d’encourager la croissance économique par une répartition équitable des richesses et des ressources. Il a été transformé par le développement durable. Désormais, elle vise à atteindre des « trajectoires durables pour les recettes, les dépenses et les déficits » qui mettent l’accent sur « l’espace budgétaire ».
Si cela nécessite une augmentation des impôts et/ou des emprunts, qu’il en soit ainsi. Indépendamment de l’impact que cela a sur l’activité économique réelle, tout va bien, car, selon la Banque mondiale :
« La dette est une forme de financement essentielle pour les objectifs de développement durable ».
Les déficits de dépenses et l’augmentation de la dette ne sont pas un problème parce que « l’échec de la réalisation des objectifs de développement durable » serait bien plus inacceptable et augmenterait encore plus la dette. N’importe quel montant de dette souveraine peut être accumulé sur le contribuable afin de nous protéger du désastre économique bien plus dangereux qui nous tomberait dessus si les ODD n’étaient pas rapidement mis en œuvre.
En d’autres termes, les crises économiques, financières et monétaires ne seront guère absentes du monde du « développement durable ». Le raisonnement décrit ci-dessus sera probablement utilisé pour justifier ces crises. C’est le modèle envisagé par l’ONU et ses « partenaires multipartites ». Pour ceux qui sont derrière les ODD, la fin justifie les moyens. Toute parodie peut être justifiée tant qu’elle est commise au nom de la « durabilité ».
Nous sommes confrontés à une initiative politique mondiale, qui touche tous les aspects de notre vie, et qui repose sur l’erreur logique du raisonnement circulaire. La destruction effective de la société est nécessaire pour nous protéger de quelque chose qui, nous dit-on, sera bien pire.
L’obéissance est une vertu car, si nous n’adhérons pas aux exigences politiques qui nous sont imposées, et si nous n’en acceptons pas les coûts, la catastrophe climatique risque de se produire.
Armé de ces connaissances, il devient beaucoup plus facile de traduire la salade de mots alambiquée et de comprendre ce que l’ONU entend réellement par le terme « développement durable » :
« Les gouvernements taxeront leurs populations, en augmentant les déficits et la dette nationale si nécessaire, pour créer des caisses noires auxquelles les multinationales privées, les fondations philanthropiques et les ONG pourront accéder afin de distribuer leurs produits, services et programmes politiques basés sur la conformité aux ODD. Les nouveaux marchés des ODD seront protégés par la législation gouvernementale sur la durabilité, qui est conçue par les mêmes « partenaires » qui profitent de la nouvelle économie mondiale basée sur les ODD et la contrôlent ».
Les pièges de la dette « verte »
Le siège du Fonds monétaire international (FMI) à Washington DC, source : Brookings.
La dette est spécifiquement identifiée comme un élément clé de la mise en œuvre des ODD, en particulier dans le monde en développement. Dans un document de 2018 rédigé par une équipe conjointe de la Banque mondiale et du FMI, il est noté à plusieurs reprises que les « vulnérabilités de la dette » dans les économies en développement sont traitées par ces institutions financières « dans le contexte du programme de développement mondial (par exemple, les ODD) ».
La même année, le cadre de viabilité de la dette (CVD) de la Banque mondiale et du FMI est devenu opérationnel. Selon la Banque mondiale, le CVD « permet aux créanciers d’adapter leurs conditions de financement en prévision des risques futurs et aide les pays à trouver un équilibre entre le besoin de fonds et la capacité à rembourser leurs dettes ». Il « guide également les pays dans leur soutien aux ODD, lorsque leur capacité à assurer le service de la dette est limitée ».
Exprimé différemment, si les pays ne peuvent pas payer la dette qu’ils contractent par le biais des prêts du FMI et des financements de la Banque mondiale (et de la Banque multilatérale de développement associée), ils se verront proposer des options pour « rembourser » leur dette en mettant en œuvre des politiques liées aux ODD. Cependant, comme le montreront les prochains épisodes de cette série, nombre de ces options prétendument adaptées à la mise en œuvre des ODD suivent en réalité le modèle de « dette contre échange de terres » qui précède de plusieurs années les ODD et l’Agenda 2030. Ce modèle permet essentiellement l’accaparement de terres et le vol de terres et de ressources naturelles à une échelle jamais vue dans l’histoire de l’humanité.
Depuis leur création au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Banque mondiale et le FMI ont toujours utilisé la dette pour forcer les pays, principalement ceux en développement, à adopter des politiques favorables au pouvoir mondial. Cela a été rendu explicite dans un document de l’armée américaine ayant fait l’objet d’une fuite et rédigé en 2008, qui indique que ces institutions sont utilisées comme des « armes financières non conventionnelles en temps de conflit jusqu’à et pendant une guerre générale à grande échelle » et comme des « armes » pour influencer « les politiques et la coopération des gouvernements des États ». Le document note que ces institutions en particulier ont « une longue histoire de guerre économique utile à toute campagne de guerre non conventionnelle de l’ARSOF [Army Special Operations Forces] ».
Le document indique également que ces « armes financières » peuvent être utilisées par l’armée américaine pour créer « des incitations ou des dissuasions financières afin de persuader les adversaires, les alliés et les substituts de modifier leur comportement aux niveaux stratégique, opérationnel et tactique du théâtre ». En outre, ces campagnes de guerre non conventionnelle sont étroitement coordonnées avec le département d’État et la communauté du renseignement pour déterminer « quels éléments du terrain humain dans la zone d’opérations de guerre non conventionnelle (UWOA) sont les plus susceptibles d’être engagés financièrement ».
Il est à noter que la Banque mondiale et le FMI sont répertoriés à la fois comme des instruments financiers et des instruments diplomatiques de la puissance nationale américaine et comme des parties intégrantes de ce que le manuel appelle le « système actuel de gouvernance mondiale ».
Alors qu’il s’agissait autrefois d’« armes financières » utilisées par l’empire anglo-américain, les changements actuels dans le « système de gouvernance mondiale » annoncent également un changement dans le choix de ceux qui sont en mesure d’armer la Banque mondiale et le FMI pour leur bénéfice explicite. Le soleil se couche sur le modèle impérial « unipolaire » et l’aube d’un ordre mondial « multipolaire » est à nos portes. La Banque mondiale et le FMI sont déjà passés sous le contrôle d’une nouvelle structure de pouvoir internationale suite à la création de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ), soutenue par les Nations unies, en 2021.
Lors de la conférence COP26 de la même année, la GFANZ a annoncé son intention de remanier le rôle de la Banque mondiale et du FMI dans le cadre d’un plan plus large visant à « transformer » le système financier mondial. Le directeur de la GFANZ et PDG de BlackRock, Larry Fink, l’a explicité lors d’un panel de la COP26, où il a précisé le plan de refonte de ces institutions en déclarant :
« Si nous voulons prendre au sérieux le changement climatique dans le monde émergent, nous allons devoir nous concentrer sur la réimagination de la Banque mondiale et du FMI ».
Les plans de la GFANZ pour « réimaginer » ces institutions financières internationales impliquent de les fusionner avec les intérêts bancaires privés qui composent la GFANZ ; de créer un nouveau système de « gouvernance financière mondiale » ; et d’éroder la souveraineté nationale (en particulier dans le monde en développement) en les forçant à établir des environnements commerciaux jugés favorables aux intérêts des membres de la GFANZ.
Comme indiqué dans un précédent rapport de Unlimited Hangout, la GFANZ cherche à utiliser la Banque mondiale et les institutions connexes « pour imposer globalement une déréglementation massive et étendue aux pays en développement en utilisant la poussée de la décarbonisation comme justification. Les BMD [banques multilatérales de développement] ne doivent plus piéger les pays en développement par la dette pour imposer des politiques qui profitent aux entités étrangères et multinationales du secteur privé, car la justification liée au changement climatique peut maintenant être utilisée aux mêmes fins ».
La dette reste l’arme principale de l’arsenal de la Banque mondiale et du FMI, et sera utilisée pour les mêmes fins « impériales », seulement maintenant avec des bienfaiteurs différents et un éventail différent de politiques à imposer à leur proie – les ODD.
La révolution tranquille de l’ONU
La GFANZ est un moteur important du « développement durable ». Néanmoins, il ne s’agit que d’un des nombreux « partenariats public-privé » liés aux ODD. Le site web de la GFANZ déclare :
« La GFANZ offre un forum aux principales institutions financières pour accélérer la transition vers une économie mondiale zéro émission nette. Nos membres comprennent actuellement plus de 450 entreprises membres de l’ensemble du secteur financier mondial, représentant plus de 130 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion ».
La GFANZ est formé d’un certain nombre d’« alliances ». Les banques, les gestionnaires d’actifs, les propriétaires d’actifs, les assureurs, les prestataires de services financiers et les sociétés de conseil en investissement disposent chacun de leurs propres réseaux de partenariat mondiaux qui contribuent collectivement au forum de la GFANZ.
Par exemple, la Net Zero Banking Alliance des Nations unies permet à Citigroup, Deutsche Bank, JPMorgan, HSBC et d’autres de faire valoir leurs idées par le biais du forum de la GFANZ. Ils font partie des principales « parties prenantes » de la transformation des ODD.
Afin d’« accélérer la transition », l’« Appel à l’action » du forum de la GFANZ permet à ces multinationales de formuler des demandes politiques spécifiques. Elles ont décidé que les gouvernements devaient adopter des « objectifs zéro émission nette à l’échelle de l’économie ». Les gouvernements doivent également :
« Réformer […] les réglementations financières pour soutenir la transition vers le zéro émission nette ; éliminer progressivement les subventions aux combustibles fossiles ; fixer le prix des émissions de carbone ; rendre obligatoire les plans de transition vers le zéro émission nette et établir des rapports sur le climat pour les entreprises publiques et privées d’ici 2024 ».
Tout cela est nécessaire, nous dit-on, pour éviter la « catastrophe climatique » qui pourrait survenir un jour. Par conséquent, ce programme politique de « gouvernance financière mondiale » est tout simplement inévitable et nous devons permettre aux institutions financières privées (et historiquement prédatrices) de créer une politique visant à déréglementer les marchés sur lesquels elles opèrent. Après tout, la « course au zéro émission nette » doit se dérouler à une vitesse vertigineuse et, selon la GFANZ, la seule façon de « gagner » consiste à augmenter les « flux de capitaux privés vers les économies émergentes et en développement » comme jamais auparavant. Si le flux de ces « capitaux privés » devait être entravé par des réglementations existantes ou d’autres obstacles, cela entraînerait à coup sûr une destruction planétaire.
Le roi Charles III, a expliqué la nouvelle économie mondiale des ODD qui reléguera les gouvernements élus au rang de « partenaires habilitants ». Puis, le prince Charles, s’exprimant lors de la COP26, en préparation de l’annonce de la GFANZ, a déclaré :
« Mon plaidoyer aujourd’hui est pour que les pays s’unissent pour créer l’environnement qui permet à chaque secteur d’activité de prendre les mesures nécessaires. Nous savons que cela nécessitera des billions, et non des milliards de dollars. Nous savons également que les pays, dont beaucoup sont accablés par des niveaux d’endettement croissants, ne peuvent tout simplement pas se permettre de passer au vert. Nous avons besoin d’une vaste campagne de type militaire pour mobiliser la force du secteur privé mondial, qui dispose de billions de dollars dépassant largement le PIB mondial, […] dépassant même les gouvernements des leaders mondiaux. Elle offre la seule perspective réelle de réaliser une transition économique fondamentale ».
Tout comme la prétendue urgence de mettre en œuvre les ODD exonère les décideurs publics, elle exonère également le secteur privé, qui est le moteur des programmes politiques antérieurs. Le fait que la dette qu’ils créent collectivement profite principalement au capital privé n’est qu’une coïncidence, une conséquence prétendument inéluctable de la création de « l’espace fiscal » nécessaire au « développement durable ».
La dépendance croissante de l’ONU à l’égard de ces « partenariats multipartites » est le résultat de la « révolution tranquille » qui s’est produite à l’ONU dans les années 1990. En 1998, Kofi Annan, alors secrétaire général de l’ONU, déclarait au symposium de Davos du Forum économique mondial :
« Les affaires des Nations unies concernent les affaires du monde entier. Nous encourageons le développement du secteur privé et les investissements étrangers directs. Nous aidons les pays à rejoindre le système commercial international et à adopter une législation favorable aux entreprises ».
Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies (1997 – 2006) est membre du conseil de fondation du Forum économique mondial et coprésident du Forum économique mondial sur l’Afrique. Ici, il s’exprime lors de la plénière d’ouverture sur l’Afrique et la nouvelle économie mondiale lors du Forum économique mondial sur l’Afrique de 2009 au Cap, en Afrique du Sud, source : WEF.
La résolution 70/224 de l’Assemblée générale de l’ONU de 2017 (A/Res/70/224) a décrété que l’ONU travaillerait « sans relâche à la pleine mise en œuvre de cet Agenda [Agenda 2030] » par la diffusion mondiale de « politiques et actions concrètes ».
Conformément à l’aveu d’Annan, ces politiques et actions promulguées sont conçues, via la « gouvernance financière mondiale », pour être « favorables aux entreprises ».
L’A/Res/70/224 ajoute que l’ONU maintiendra :
« L’engagement politique fort de relever le défi du financement et de la création d’un environnement favorable à tous les niveaux pour le développement durable. […] Particulièrement en ce qui concerne le développement de partenariats en offrant de plus grandes possibilités au secteur privé, aux organisations non gouvernementales et à la société civile en général […], en particulier dans la poursuite du développement durable [ODD].
Cet « environnement favorable » est synonyme de « l’espace fiscal » exigé par la Banque mondiale et d’autres agences spécialisées des Nations unies. Le terme fait également son apparition dans le rapport d’activité de la GFANZ, qui indique que la Banque mondiale et les banques multilatérales de développement devraient être utilisées pour inciter les nations en développement à « créer les environnements favorables de haut niveau et transversaux appropriés » pour les investissements des membres de l’alliance dans ces nations.
Ce concept a été fermement établi en 2015 lors de la conférence du programme d’action d’Adis Abeba sur le « financement du développement ». Les délégués réunis de 193 États-nations des Nations unies ont engagé leurs populations respectives dans un programme d’investissement financier ambitieux pour payer le développement durable.
Ils ont collectivement convenu de créer :
« … un environnement favorable à tous les niveaux pour le développement durable ; […] pour renforcer encore le cadre de financement du développement durable ».
« L’environnement favorable » est un engagement gouvernemental, et donc financé par les contribuables, en faveur des ODD. Le successeur d’Annan et 9ème secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a autorisé un rapport de 2017 sur l’A/Res/70/224 qui disait :
« Les Nations unies doivent de toute urgence relever le défi de libérer tout le potentiel de la collaboration avec le secteur privé et d’autres partenaires. […] Le système des Nations unies reconnaît la nécessité de pivoter davantage vers des partenariats qui tirent plus efficacement parti des ressources et de l’expertise du secteur privé. Les Nations unies cherchent également à jouer un rôle de catalyseur plus important en suscitant une nouvelle vague de financement et d’innovation nécessaire à la réalisation des objectifs (ODD) ».
Bien que qualifiée d’organisation intergouvernementale, l’ONU n’est pas seulement une collaboration entre gouvernements. Certains pourraient raisonnablement affirmer qu’elle ne l’a jamais été.
L’ONU a été créée, dans une large mesure, grâce aux efforts du secteur privé et des branches « philanthropiques » des oligarques. Par exemple, le soutien financier et opérationnel global de la Fondation Rockefeller (FR) au département économique, financier et du transit (EFTD) de la Société des Nations (SDN), et son influence considérable sur l’administration des Nations unies pour le secours et la réhabilitation (UNRRA), ont sans doute fait de la Fondation Rockefeller l’acteur clé de la transition de la SDN vers l’ONU.
En outre, la famille Rockefeller, qui promeut depuis longtemps les politiques « internationalistes » qui étendent et renforcent la gouvernance mondiale, a fait don du terrain sur lequel se trouve le siège de l’ONU à New York, parmi d’autres dons importants à l’ONU au fil des ans. Il n’est pas surprenant que l’ONU apprécie particulièrement l’un de ses principaux donateurs. Elle s’est longtemps associée à la Fondation Rockefeller et a fait l’éloge de l’organisation comme modèle de « philanthropie mondiale ».
Les cinq frères Rockefeller. De gauche à droite : David, Winthrop, John D Rockefeller III, Nelson et Laurance, source : World Finance.
L’ONU a été essentiellement fondée sur un modèle de partenariat public-privé. En 2000, le Comité exécutif de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a publié le document intitulé « Private Sector Involvement and Cooperation with the United Nations System » :
« Les Nations unies et le secteur privé ont toujours eu des liens commerciaux étendus par le biais des activités d’achat des Nations unies. […] Le marché des Nations unies constitue un tremplin pour une entreprise qui souhaite introduire ses biens et services dans d’autres pays et régions. […] Le secteur privé participe également depuis longtemps, directement ou indirectement, aux travaux normatifs des Nations unies ».
La possibilité d’influer non seulement sur les marchés publics, mais aussi sur le développement de nouveaux marchés mondiaux et leur réglementation est, de toute évidence, une proposition extrêmement attrayante pour les sociétés multinationales et les investisseurs. Il n’est pas surprenant que les projets des Nations unies qui utilisent le modèle « public-privé » soient l’approche préférée des grands capitalistes du monde. Par exemple, c’est depuis longtemps le modèle préféré de la famille Rockefeller, qui finance souvent de tels projets par le biais de ses fondations philanthropiques respectives.
Au cours des années qui ont suivi sa création, le partenariat public-privé s’est développé pour devenir dominant au sein du système des Nations unies, notamment en ce qui concerne le « développement durable ». Les secrétaires généraux successifs ont supervisé la transition officielle de l’ONU vers le Partenariat public-privé mondial des Nations unies (3GP-ONU).
En conséquence de cette transformation, le rôle des gouvernements des États-nations à l’ONU a également changé de manière spectaculaire. Par exemple, en 2005, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une autre agence spécialisée des Nations unies, a publié un rapport sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans les soins de santé, intitulé « Connecting for Health ». S’exprimant sur la manière dont les « parties prenantes » pourraient introduire des solutions TIC dans les soins de santé à l’échelle mondiale, l’OMS a noté ce qui suit :
« Les gouvernements peuvent créer un environnement favorable et investir dans l’équité, l’accès et l’innovation ».
Comme le roi Charles III l’a fait remarquer l’année dernière à Glasgow, les gouvernements des nations « démocratiques » se sont vu confier le rôle de partenaires « habilitants ». Leur tâche consiste à créer l’environnement fiscal dans lequel leurs partenaires du secteur privé opèrent. Les politiques de développement durable sont élaborées par un réseau mondial composé de gouvernements, de sociétés multinationales, d’organisations non gouvernementales (ONG), d’organisations de la société civile et d’« autres acteurs ».
Les « autres acteurs » sont principalement les fondations philanthropiques de milliardaires individuels et de dynasties familiales immensément riches, telles que les fondations Bill et Melinda Gates (BMGF) ou Rockefeller. Collectivement, ces « acteurs » constituent le « partenariat multi-parties prenantes ».
Au cours de la pseudo-pandémie, beaucoup ont fini par reconnaître l’influence de la Fondation Bill et Melinda Gates sur l’OMS, mais elle n’est qu’une des nombreuses autres fondations privées qui sont également des « parties prenantes » appréciées de l’ONU.
L’ONU est elle-même une collaboration mondiale entre les gouvernements et un réseau multinational infra-gouvernemental de « parties prenantes » privées. Les fondations, les ONG, les organisations de la société civile et les entreprises mondiales représentent un réseau infragouvernemental de parties prenantes, tout aussi puissant, sinon plus, que n’importe quel bloc de pouvoir des États-nations.
Le partenariat public-privé : Une idéologie
L’ONU et le WEF, qui se présente comme le premier promoteur mondial des partenariats public-privé, ont signé un cadre stratégique en juin 2019, source : WEF.
En 2016, le DAES de l’ONU a publié un document de travail étudiant la valeur des partenariats public-privé (PPP) pour atteindre les ODD. L’auteur principal, Jomo KS, était le secrétaire général adjoint du système des Nations unies chargé de la recherche économique (2005-2015).
Le DAES de l’ONU a largement constaté que les PPP, dans leur forme actuelle, n’étaient pas adaptés à leur objectif :
« Les revendications de réduction des coûts et d’efficacité de la prestation de services par le biais des PPP pour économiser l’argent des contribuables et bénéficier aux consommateurs étaient pour la plupart des affirmations vides et […] idéologiques. […] Les projets de G3P étaient plus coûteux à construire et à financer, fournissaient des services de moins bonne qualité et étaient moins accessibles […] De plus, de nombreux services essentiels étaient moins responsables envers les citoyens lorsque des sociétés privées étaient impliquées. [Les investisseurs dans les PPP sont confrontés à un risque relativement bénin […] Les clauses pénales en cas de non-livraison par les partenaires privés sont peu rigoureuses, l’étude se demande si le risque est réellement transféré aux partenaires privés dans ces projets. […] Les preuves suggèrent que les PPP ont souvent eu tendance à être plus coûteux que l’alternative des marchés publics, tandis que dans un certain nombre de cas, ils n’ont pas réussi à apporter les gains de qualité envisagés dans la prestation de services ».
Citant les travaux de Whitfield (2010), qui a examiné les PPP en Europe, en Amérique du Nord, en Australie, en Russie, en Chine, en Inde et au Brésil, le DAES a noté que ceux-ci ont conduit à « l’achat et la vente d’écoles et d’hôpitaux comme des marchandises dans un supermarché mondial ».
Les rapports du DAES ont également rappelé aux enthousiastes des PPP de l’ONU que de nombreuses organisations intergouvernementales avaient jugé les PPP insuffisants :
« Les évaluations réalisées par la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque européenne d’investissement (BEI) – les organisations qui promeuvent normalement les PPP – ont trouvé un certain nombre de cas où les PPP n’ont pas donné les résultats escomptés et ont entraîné une hausse significative des engagements budgétaires des gouvernements.
Peu de choses ont changé depuis 2016 et pourtant le 3GP-ONU insiste sur le fait que le partenariat public-privé est le seul moyen d’atteindre les ODD. Ignorant l’évaluation de ses propres enquêteurs, l’ONU a déclaré dans la résolution 74/2 de l’Assemblée générale (A/Res/74/2) :
« Les États membres de l’ONU reconnaissent la nécessité de partenariats mondiaux, régionaux et nationaux solides pour les objectifs de développement durable, qui engagent toutes les parties prenantes concernées à soutenir en collaboration les efforts des États membres pour atteindre les objectifs de développement durable liés à la santé, notamment la couverture sanitaire universelle [UHC2030] […] l’inclusion de toutes les parties prenantes concernées est l’une des composantes essentielles de la gouvernance du système de santé. […] Nous réaffirmons la résolution 69/313 de l’Assemblée générale […] pour relever le défi du financement et de la création d’un environnement favorable à tous les niveaux pour le développement durable. [Nous fournirons […] des financements durables, tout en améliorant leur efficacité […] par des voies nationales, bilatérales, régionales et multilatérales, notamment des partenariats avec le secteur privé et d’autres parties prenantes concernées.
Cet engagement des Nations unies en faveur d’un partenariat public-privé mondial est une « affirmation idéologique » et ne repose pas sur les preuves disponibles. Pour que les PPP fonctionnent réellement comme prévu, le DAES a stipulé qu’un certain nombre de changements structurels devaient d’abord être mis en place.
Il s’agissait notamment d’identifier avec soin les domaines dans lesquels un PPP pourrait fonctionner. Le DAES a constaté que les PPP pouvaient convenir à certains projets d’infrastructure, mais qu’ils étaient préjudiciables aux projets concernant la santé publique, l’éducation ou l’environnement.
Les chercheurs de l’ONU ont déclaré qu’une surveillance et une réglementation diligentes de la tarification et du prétendu transfert de risque seraient nécessaires ; des systèmes de comptabilité fiscale complets et transparents étaient indispensables ; de meilleures normes de rapport devraient être développées et des garanties juridiques et réglementaires rigoureuses étaient nécessaires.
Aucun des changements structurels ou politiques requis recommandés dans le rapport 2016 du DAES n’a été mis en œuvre.
La durabilité pour qui ?
L’Agenda 2030 marque le tournant sur le chemin de l’Agenda 21. Lancée publiquement lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992, la section 8 expliquait comment le « développement durable » serait intégré dans la prise de décision :
« La nécessité première est d’intégrer les processus décisionnels en matière d’environnement et de développement. […] Les pays établiront leurs propres priorités en fonction de leurs plans, politiques et programmes nationaux ».
Le développement durable a été intégré à chaque décision politique. Non seulement chaque pays dispose d’un plan national de développement durable, mais celui-ci a été dévolu aux autorités locales.
Il s’agit d’une stratégie globale visant à étendre la portée des institutions financières mondiales dans tous les coins de l’économie et de la société. La politique sera contrôlée par les banquiers et les groupes de réflexion qui ont infiltré le mouvement environnemental il y a plusieurs décennies.
Aucune communauté n’est à l’abri de la « gouvernance financière mondiale ».
En termes simples, le développement durable supplante la prise de décision au niveau national et local par une gouvernance mondiale. Il s’agit d’un coup d’État mondial en cours, et jusqu’à présent réussi.
Mais plus que cela, il s’agit d’un système de contrôle mondial. Ceux d’entre nous qui vivent dans des pays développés verront leur comportement modifié par une guerre psychologique et économique menée contre eux pour les forcer à se conformer.
Les nations en développement seront maintenues dans la pénurie, car les fruits du développement industriel et technologique moderne leur seront refusés. Au lieu de cela, ils seront accablés par la dette que leur imposent les centres mondiaux du pouvoir financier, leurs ressources seront pillées, leurs terres volées et leurs biens saisis – tout cela au nom de la « durabilité ».
Pourtant, c’est peut-être la financiarisation de la nature, inhérente au développement durable, qui constitue le plus grand danger de tous. La création de classes d’actifs naturels, la conversion des forêts en initiatives de séquestration du carbone et des sources d’eau en services d’établissement humain. Comme le montreront les prochains épisodes de cette série, la financiarisation de la nature est au cœur de plusieurs ODD.
Comme l’affirment ouvertement les Nations unies, le « développement durable » est une question de transformation, et pas nécessairement de « durabilité » telle que la plupart des gens la conçoivent. Il vise à transformer la Terre et tout ce qu’elle contient, y compris nous, en marchandises, dont le commerce constituera la base d’une nouvelle économie mondiale. Bien qu’on nous le vende comme « durable », la seule chose que ce nouveau système financier mondial va « soutenir » est le pouvoir d’une élite financière prédatrice.