L’équipe de Solarly s’est rendue dans le village de Makoutam pour fournir l’énergie solaire à son dispensaire. Jusqu’à présent, les opérations et accouchements nocturnes s’y déroulaient dans le noir.
Et si la vie d’êtres humains pouvait dépendre de l’électricité ? En Occident, lorsqu’une panne de courant se produit, nos hôpitaux continuent à fonctionner, tant au niveau de l’éclairage que des différents appareils médicaux (radiographies, scanners, IRM…). Imaginez désormais un monde dans lequel les hôpitaux n’ont pas du tout accès à l’énergie, où les femmes accouchent dans l’obscurité, où les chirurgiens doivent opérer à l’aveugle et où il est impossible de pratiquer une radio ou une échographie. Ce monde n’est pas une fiction. Il ne remonte pas non plus à une époque lointaine. Il existe réellement et encore de nos jours. C’était d’ailleurs le cas du centre de santé de Makoutam, petit village camerounais situé dans la région de l’Ouest. C’était son cas. Jusqu’à aujourd’hui…
À la suite du dédouanement de nos marchandises au port de Douala, nous avons pu acheminer nos 90 stations solaires (nos « SolarlyBoxes »), venues tout droit du port d’Anvers, ainsi que 400 lampes, jusqu’à nos bureaux, situés à Yaoundé. Nous sommes donc entièrement prêts pour poursuivre la quête que nous nous sommes fixés : l’électrification des zones rurales du Cameroun. Prochain arrêt : Malentouen, la commune dans laquelle se trouve le village de Makoutam.
Nous avons profité de notre itinéraire pour faire un saut à la chefferie de Ngandie, afin de vérifier le bon fonctionnement de notre installation précédente, et pour discuter avec d’autres habitants de la commune intéressés par notre produit. Après ce bref passage, nous avons pris la route pour Malentouen. En pleine saison des pluies, la piste que nous avons empruntée était extrêmement glissante et les risques de s’embourber étaient importants.
Nous sommes tout de même parvenus à atteindre la commune de Malentouen, où nous avons été rejoints par deux techniciens camerounais dont nous avions envie de tester les compétences. Le premier, Jaurès, originaire de Dschang, est étudiant en énergies renouvelables au Centre polyvalent de Formation (CPF) de Mbouo Bandjoun. Le second, Guildas, est un jeune garçon de 19 ans, doué de ses mains et qui avait déjà travaillé avec nous, il y a deux ans, à Bafut, son village d’origine, lors de notre phase pilote. Nous avons ensuite rencontré les représentants au Cameroun d’Hearter, l’association qui finance cette nouvelle installation : Guillaume et Youchahou.
Association internationale sans but lucratif (AISBL) belge, basée à La Panne, Hearter a développé une application mobile où les bénévoles, localisés par GPS, peuvent valider d’un seul clic leur présence sur le lieu de leur bénévolat. Cette manipulation leur permet de gagner des HeartCoins, la monnaie du cœur. L’objectif : créer une économie sociétale. À l’instar des applications qui comptent le nombre de pas que vous effectuez au quotidien, Hearter comptabilise les heures de bénévolat. Elle permet dès lors de mesurer et de valoriser le travail des bénévoles et de créer ainsi de nouveaux « actifs » dans le secteur associatif. Ceci devrait faciliter l’échange de biens et de services auquel les secteurs public et marchand ne peuvent répondre.
Les deux représentants d’Hearter Cameroun nous ont emmenés à la mairie de Malentouen. Sa veste Manchester United sur le dos, le maire, Ibrahim Ndapeyouene, nous a accueillis dans son bureau. Jessis, représentant de Solarly au Cameroun, a expliqué le fonctionnement de notre SolarlyBox au maire et à son délégué au développement, Abdou Njikam, en vue d’une future collaboration. Intéressé par notre projet, le maire nous a proposé de nous rendre à la sous-préfecture de la commune, située à seulement quelques pas de la mairie. Hamadou Djibrilla Yaya, sous-préfet de Malentouen, nous a, lui, accueillis dans une tenue traditionnelle. Après une seconde présentation de notre produit par Jessis et la prise de quelques photos officielles, nous avons pris la route vers le dispensaire de Makoutam, véritable raison de notre présence ici.
Arrivée au centre de santé. À peine descendus du véhicule, nous avons été accueillis par une foule de gens : Adamou Kpoumie, directeur du dispensaire, son personnel médical et des habitants de Makoutam. Plusieurs journalistes étaient également présents.
Nous commençons par une visite du centre. Situation paradoxale : le dispensaire se trouve sous des lignes à haute tension, mais n’a pas accès à l’énergie. Son directeur nous explique que l’équipe médicale procède à 12 ou 13 accouchements par mois, dont plusieurs accouchements nocturnes, qui ont donc lieu dans l’obscurité la plus totale. Sans réfrigérateur, il leur est également impossible de conserver les vaccins et certains autres produits censés être gardés au frais. Hormis l’absence d’énergie, le dispensaire est loin des bonnes conditions que nous connaissons en Occident. Les malades sont hospitalisés à plusieurs dans de petites pièces, les femmes accouchent sur une table et les patients ne reçoivent pas le moindre soin tant qu’ils n’ont pas payé.
Après analyse par Michel, notre responsable technique, de l’endroit le plus propice pour la pose des panneaux photovoltaïques, nos deux techniciens à l’essai, Jaurès et Guildas, ont grimpé sur le toit pentu et en tôle ondulée du dispensaire, sous les yeux ébahis du public resté en bas.
Les panneaux solaires installés, Jaurès et Guildas sont descendus du toit et se sont rendus dans la pharmacie du centre pour fixer la SolarlyBox au mur, placer la batterie sous celle-ci et faire les raccordements. Nous avons ensuite installé huit lampes dans les pièces jugées prioritaires par le directeur du dispensaire, en privilégiant la salle d’accouchement et le bloc opératoire.
Grâce à la participation de tout le monde, le centre est éclairé. Le personnel médical se rue déjà sur la SolarlyBox pour y brancher des téléphones portables. Guillaume et Youchahou sont fiers de poser devant la station que leur association a financée.
Le travail accompli, place aux discours, conformément à la culture camerounaise. Nous avons eu droit à des remerciements de la part du directeur du dispensaire, du représentant du chef du village, de Guillaume et du délégué au développement, lequel a conclu son discours par la phrase « Qui dit merci en demande plus ». Une façon implicite de nous annoncer une collaboration à venir ?
C’est sous une pluie torrentielle que nous avons repris notre route, emprunts de la conviction qu’aujourd’hui, quelque chose a changé dans le village de Makoutam : jamais plus un enfant ne naîtra dans l’obscurité.