Les liens sociaux permettent d'assurer la cohésion sociale et l'intégration des individus, soit par le partage de valeurs communes soit par la reconnaissance sociale des différences lors de l'établissement des règles sociales.
Les liens sociaux permettent aux individus d'acquérir une identité sociale.
La notion de lien social est souvent utilisée de manière floue et doit donc prendre en compte différentes approches.
Le lien social est constitué de deux termes : lien et social. Il renvoie donc fortement à la question de l’individu dans le social et de la vie en société. En voici quelques approches pour nourrir votre réflexion à ce sujet.
L’approche philosophique du lien social :
D’après Aristote, l’homme est fait pour vivre en société, il s’agit d’une sociabilité naturelle . Pour d’autres auteurs, l’homme est par nature insociable, voire rebelle à l’état civil. En effet, Jean-Jacques Rousseau affirme que la tendance à vivre en groupe, à s’associer, n’est pas une tendance naturelle pour l’homme. L’association procède de la contrainte des besoins, des accidents de l’histoire, de la nécessité de dépasser la violence de l’état de nature ; elle ne procède donc pas d’un mouvement naturel.
A défaut de parler d’une insociabilité fondamentale de l’être humain, E. Kant remarque que si l’homme a une tendance naturelle à chercher la relation humaine et à s’accomplir comme sujet moral dans et par cette relation, il a aussi une tendance naturelle à l’insociabilité. Si la sociabilité est l’expression de sa nature raisonnable, l’insociabilité est l’expression de sa nature passionnelle.
Pour Aristote, la sociabilité est le résultat d’une évolution naturelle allant de la famille au village, du village à cette communauté, et des communautés à la cité. Elle ne repose pas sur un contrat d’association (contrairement à Rousseau), une convention originaire, elle est l’accomplissement d’une loi naturelle, la destination finale d’un être à qui la nature a donné la parole ou la raison.
Pour Simone MANON, l’homme tend donc par nature à vivre en société. En accomplissant sa sociabilité, l’homme s’accomplit lui-même. « Cette thèse établit que la sociabilité est naturelle et que l’homme n’est pas en soi un être achevé, complet dont on peut poser l’existence antérieurement et extérieurement au social ». L’anthropologie aristotélicienne est aux antipodes des prémices individualistes des théories du contrat social ou de la philosophie des Droits de l’Homme.
L’intérêt de l’analyse aristotélicienne est de pointer par avance les à-priori et les partis pris de l’individualisme. Cette analyse établit l’antériorité du social sur l’individuel. Le groupe préexiste à l’individu, celui-ci ne devenant un homme que dans un milieu social lui donnant l’éducation, sans laquelle il n’est qu’un « sauvage » ne pouvant avoir ni droit ni fait ni place dans la société.
Ainsi, l’approche philosophique démontre qu’un être qui n’est pas social est la négation de l’homme, soit un être « dégradé ». La cité correspond donc à la destination naturelle de l’Homme qui serait un être social et qui tendrait « par nature » à vivre en société. La « sociabilité » serait également « naturelle » et on ne deviendrait « homme » que dans un milieu social où le lien social serait alors un besoin humain.
L’approche sociologique :
Le lien social est ce qui rattache les individus et les groupes les uns aux autres. Il peut s’agir de liens directs ou relations « primaires » basés sur l’interconnaissance : lien conjugal, familial, relation amicale, relation de voisinage, etc… ou de liens indirects tissés par la médiation d’institutions complexes : monde professionnel, associations, syndicats…
Trois types de liens jouissent d’un statut particulier dans les sciences sociales : l’échange marchand (le commerce vecteur de relations), l’échange non marchand (circulation de biens symboliques, etc…), et enfin le lien politique basé sur des sentiments de solidarité dans une collectivité nationale.
Les relations primaires, souvent fortes, sont faites aussi d’affrontements. L’échange marchand fait lien, bien qu’il n’associe pas toujours des partenaires égaux. Les relations dites secondaires mêlent solidarité et rapports de forces. Plusieurs sociologues, entre autres Georges Simmel, ont souligné que les conflits, loin de se réduire à une adversité irréductible, engendrent le débat et la négociation, lesquels impliquent un minimum de reconnaissance mutuelle.
L’approche psychologique :
Le psychologue Abraham MASLOW a distingué dans sa pyramide des besoins, que le lien social est un besoin à satisfaire afin de passer aux autres étapes. En effet Maslow distingue cinq grandes catégories de besoins. Il considère que le consommateur passe à un besoin d’ordre supérieur quand le besoin de niveau immédiatement inférieur est satisfait. Le lien social fait partie de l’étape trois avec l’appartenance, un besoin qui doit être assouvi avant de pouvoir atteindre les deux autres niveaux : besoin d’estime et de s’accomplir.
Pour lui, il s'agit de la recherche de communication et d'expression, d'appartenance à un homme et une femme. Ce besoin d'intégration dans le lien social va de pair avec le besoin de reconnaissance et de considération. Le besoin d'amour doit pouvoir être pris en considération. Il passe par l'identité propre (nom, prénom), le besoin d'aimer et d'être aimé, d’avoir des relations intimes avec un conjoint (former un couple), d’avoir des amis, de faire partie intégrante d'un groupe cohésif, de se sentir accepté et, conséquence logique, de ne pas se sentir seul ou rejeté.
Ce besoin se manifeste par le comportement parfois atavique ou grégaire de l'être humain. « La très grande majorité des individus ne pourrait pas vivre sans autrui, les expériences de solitude montrent bien les désordres psycho-affectifs, comportementaux auxquels on expose un individu esseulé trop longtemps. La privation d'autrui chez l'être humain est du même ordre que la privation de sommeil trop longtemps, elle tend à faire devenir folle la personne qui s'y trouve plongée. Les peines d'isolement, mitard ou autres, font partie des peines les plus dures qui soient, et sans doute les plus dangereuses pour un individu. »
La pyramide de Maslow explique que le besoin de lien social, apparaît en effet une composante à part entière de la personnalité humaine, à satisfaire obligatoirement. On peut à ce titre, citer le cas de bébés laissés sans autres soins que physiologiques et sans contact affectif, qui meurent de ne pas être en contact et stimulés psychologiquement. On peut citer aussi le cas des "enfants sauvages", qui ont satisfait jusqu'à leur découverte leurs "besoins physiologiques" et de "sécurité du corps", mais n'ont pas pour autant développé une « personnalité humaine normale ».
Nous voyons ici dans cette approche, que le lien social est un besoin à satisfaire, une présence indispensable, une condition pour le développement de la personne. Oui mais voilà on assiste depuis peu à un délitement du lien social
En effet, depuis les années 1980, on évoque fréquemment le relâchement des liens sociaux ou encore la perte du lien social. Sont tour à tour invoqués la crise de l’institution familiale (fragilisation du couple, instabilité de la cellule nucléaire), le chômage massif, la précarisation des emplois et le déclin du travail, la déstructuration des communautés locales, l’individualisation des expériences et des trajectoires, etc….
Si dans le cas des processus d’exclusion et de marginalisation subis, le diagnostic semble pertinent, il est beaucoup plus problématique pour d’autres évolutions : la déconstruction de formes sociales, les phénomènes de désinstitutionalisation n’impliquent pas nécessairement la perte de relations entre individus. Il vaut mieux parler alors de mutation de lien social.
De ce fait, le lien social paraît être un fondement même de la civilisation.
D’après Jean FURTOS, un sujet humain plongé dans un environnement excluant, est susceptible pour se protéger de cette souffrance de développer un syndrome d’auto-exclusion, une sorte de grève de la subjectivité avec soi-même et avec autrui. Le manque de lien social aurait alors une incidence sur la précarité sociale du sujet. En effet, la précarité ici définie se différencie radicalement de la pauvreté et surtout de la misère sociale qu’elle accompagne et produit.
SOURCES
BORN, Michel. « Le rôle du réseau social ». Les cahiers de l’Actif, 1997, N°258/259 : « De l’exclusion à l’intégration : les rôles des réseaux », p.45-52
MAILAT, Maria. « Réseaux sociaux : théories et pratiques ». Informations sociales, 2008, N°147
MERCKLE, Pierre. Sociologie des réseaux sociaux. Paris: La Découverte, 2004. 128p, (Repères)
TORLOTING, Philippe. Enjeux et perspectives des réseaux sociaux. Paris : Institut Supérieur du commerce, 2006. 42p, (Mémoire)
LANIAU, Jerôme. « Vers une nouvelle forme d’intelligence collective ? ». EMPAN, 2009, N°76 : « Réseau Internet et Lien Social », p.29-33
SAVIDAN, Patrick. « Individu et société : les enjeux d’une controverse ». Informations sociales, 2008, N°145 : « L’individu et ses appartenances », p.6-15
Merci beaucoup pour cet article complet !
J'aime beaucoup le terme "la mutation du lien".
Je ne suis pas de ceux qui se ferment au futur en partant du principe que ce qui existait avant était ce qu'il y avait de mieux pour l'Homme.
En effet, nous perdons certaines communautés qui avaient leur importance mais ce que je vois dans ma vie de tous les jours :
ces communautés refont surface petit à petit. J'ai bien plus d'échanges avec mes voisins aujourd'hui que je n'en avais il y a 10 ans. L'entraide et la bienveillance refait surface à de nombreux endroits et je ne pense que ce n'est que le début d'une nouvelle vague !
Nous avons la chance d'avoir des moyens de nous exprimer et d'échanger des points de vue qui sont certes digitalisés et moins chaleureux qu'à une certaine époque mais tellement plus fréquent et avec tellement plus de monde que cela permet au final de gagner énormément.
Je parle bien évidemment de vrais échanges internet et non des likes de photos et autres joyeusetés que l'on retrouve beaucoup trop souvent à mon goût :o)
Pourtant quand je lis ton passage sur les années 80 à nos jours, je vois énormément d'impacts négatifs qui de mon point de vue ne me semblent pas si négatifs. Pour les couples qui ont la liberté de se séparer quand ça ne va plus pour se reconstruire une vie épanouissante, pour le chômage qui en Europe reste en ligne avec l'époque avec même des pays comme l'Allemagne qui sont meilleurs, avec une masse de travail qui s'est créée et qui est bien plus importante qu'à l'époque.
Au final, j'avais juste envie de partager ma vision du monde qui va de mieux en mieux au fur et à mesure que nous nous développons. J'ai l'impression qu'une fois qu'on supprime la lecture ou l'écoute des médias, notre monde s'améliore presque automatiquement.
Qu'en penses-tu?
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Je suis d'accord avec vos analyses et vous remercie de cet échange :) vraiment merci. Effectivement j'aime me dire que ce monde, si virtuel qu'il soit n'est aspiré en total opposition avec ce qu'on nomme "le monde réel". En effet, derrière mon clavier il y a tout autant une personne avec ses émotions, que dernières la vivre de ma voiture...
Et oui, je ne peux que répondre par l'affirmative concernant votre dernière idée sur les médias. En effet, cela fait maintenant 4ans que nous vivons sans TV, et d'ailleurs nous n'écoutons plus les infos (car les infos pertinentes sont toujours assez partagées pour les apercevoir ici et là). Les médias, sont selon moi, une sorte anxiogène de manipulation des masses ... mais bon ceci est encore un vaste sujet qui mériterait un article à part entière. :)
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Pareil chez nous, nous avons décidé de supprimer la télévision de la maison à la naissance de notre premier fils. Depuis, on vit très bien sans :o)
Et en effet, on pourrait en écrire un article sans aucun souci !
Je n'ai jamais aimé les médias, jamais vraiment lu les journaux mais ces dernières années, ça a été la crème de la crème dans la débauche de la maladresse journalistique. Un contrôle de foule, rien de plus avec une couche de "je ne sais pas quoi dire alors je remplis".
Depuis quelques mois, même la radio a disparu de ma vie au profit des livres audios.
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j'avais essayé les livres audio mais je n'ai pas trouvé de site où ça peut se faire sans internet, obligé d'avoir une connexion pour les écouter.
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J'utilise www.audible.fr qui n'est d'autres que la passerelle audio d'Amazon. Ils permettent le téléchargement du livre sur l'ordinateur ou le smartphone. En plus, en cherchant un peu, on peut économiser beaucoup d'argent par rapport à l'offre de base.
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Bonne chance !
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oh oui j'accepte avec grand plaisir :D <3
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