Veille sécuritaire S-07/08 2017

in fr •  6 years ago 

sas.jpg

VEILLE TUNISIE

Semaine du 13 au 26 février 2017

L'actualité :

  • 11 février: arrestation à Bizerte d’un suspect accusé d’appartenance à une organisation terroriste. Il aurait fait allégeance à Jabhat al-Nosra puis à Daech et comptait semble-t-il, attaquer des institutions sécuritaires. (R4)
  • 13 février: démantèlement d’une cellule terroriste chargée du recrutement de jihadistes, à l’est de la Tunisie. Les 6 suspects interpelés dans la région de Monastir, ont reconnu être en contact avec des membres de l’EI en Libye et avoir participé au recrutement de Tunisiens pour combattre en Syrie. Eux-mêmes, auraient reçu un entraînement « militaire » pour combattre à l’étranger. (R2)
  • un contrebandier de carburant a brûlé le drapeau national à Mareth, gouvernorat de Gabès et a menacé de s’immoler par le feu après la saisie de sa marchandise. (R4)
  • arrestation d’un présumé terroriste à Jendouba; condamné par contumace en Tunisie, l’homme avait fui en Libye et combattu pour l’EI. Il a été arrêté à son retour au pays. (R1)
  • 14 février: arrestation à Douar Hicher, à l’ouest de Tunis d’un homme en contact avec des jihadistes tunisiens en Syrie et leurs familles en Tunisie, à qui il transmettait des nouvelles en échange d’une rémunération. (R4)
  • 15 février: arrestation à Kasserine d’un homme de 69 ans qui ravitaillait les terroristes dans la montagne. (R2)
  • la police a arrêté à Kairouan une jeune extrémiste religieuse dont la soeur est morte en Syrie et qui voulait partir épouser son beau-frère, membre de l’EI. Elle était également chargée de recruter d’autres jeune-filles, volontaires pour épouser un jihadiste et fonder une famille. (R4)
  • 17 février: dans le cadre d’une opération de ratissage menée sur les hauteurs de Kasserine, 2 terroristes ont été abattus, d’autres ont été blessés et des armes saisies à Aïn Fara. L’un des hommes tués aurait été identifié comme Abderrahmen Boukhari, alias Abou Zayed Ettounsi, originaire du Kef. (R2)
  • le Directeur général de la lutte antiterroriste de la garde nationale semble avoir été écarté, en raison peut-être, d’un différend avec le Directeur général. Il n’a pas encore été remplacé. (R2)
  • 20 février: un extrémiste religieux et son complice, ayant planifié une attaque terroriste, ont été interpelés à Denden, gouvernorat de Manouba. Le jeune extrémiste aurait rédigé une sorte de testament, faisant l’apologie de l’attaque des sécuritaires et donnant le nom de l’homme chargé de lui procurer une arme puis d’organiser ses funérailles. (R3)
  • arrestation de 788 individus recherchés. (R4)
  • 22 février: démantèlement d’un réseau international spécialisé dans les braquages à main armée des banques et des commerces et les vols de voitures. (R1)
  • un contrebandier originaire de Dhehiba, Tataouine, a été blessé par balles en Libye, une enquête est ouverte. (R4)
  • vaste coup de filet des unités de la garde nationale qui ont arrêté en une journée, 856 personnes recherchées. (R2)
  • 23 février: démantèlement à Kasserine d’un réseau de contrebande de voitures. (R4)
  • arrestation à La Manouba de 2 hommes soupçonnés de liens avec une organisation terroriste, l’un en contact avec son frère en Syrie, l’autre pour avoir consulté des sites de groupes terroristes dans un cybercafé (R4)
  • condamnation à 24 ans de prison pour le terroriste Ahmed Malki « Al Somali », reconnu coupable concernant l’affrontement armé de Raoued en février 2014. L’homme fait partie de la branche armée d’Ansar Chariâa et a fait l’objet d’un mandat de recherche pour son implication dans l’assassinat de Chokri Belaïd. Il est également suspect dans le meurtre de Mohamed Brahmi. (R1)
  • 24 février: l’état d’urgence est une nouvelle fois prolongé jusqu’au 16 mai.
  • arrestation de 12 Africains tentant d’entrer illégalement en Libye à partir du poste de Ras Jedir. (R2)
  • arrestation à Gabès de 2 terroristes présumés. Le premier arrêté à son domicile à El-Hamma est soupçonné de vouloir se rendre en Syrie pour rejoindre les rangs de Daech, le second, qui a déjà combattu en Syrie et qui est rentré en janvier 2017, aurait prévu de repartir en emmenant des jihadistes basés en Libye. (R4)
  • 25 février: arrestation par la brigade d’enquête relevant du district de la garde nationale de Sidi Bouzid, d’un jeune suspecté d’appartenir à un courant terroriste. (R3)

Analyse de situation :

Contexte régional :

En Syrie, les forces du Bouclier de l’Euphrate soutenues par la Turquie auraient réussi à reprendre la ville d’Al-Bab.

En Irak, l’armée irakienne annonce avoir bombardé une maison dans l’ouest du pays et publie la liste de 13 commandants de l’EI qui auraient été tués dans ce raid. Elle affirme également qu’al Baghdadi aurait quitté Raqqa pour la région d’Al Quaïm du côté irakien de la frontière, afin de discuter de l’effondrement en cours à Mossoul et pour choisir un successeur. A Mossoul même, les forces irakiennes ont annoncé la reprise de l’aéroport et doivent maintenant libérer les quartiers ouest.

En Algérie, 9 terroristes ont été abattus par l’armée algérienne lors d’une opération menée dans la wilaya de Bouira. Par ailleurs, les travaux de sécurisation de la frontière avec la Tunisie sont achevés. Un fossé a été creusé près des communes de Ouargha et Oued. Des caméras thermiques ont été installées et le contrôle des unités sécuritaires renforcé. Depuis le 13 février, le niveau d’alerte aux frontières avec la Tunisie et la Libye a été relevé et différents mouvements de groupes suspects auraient été enregistrés. L’Algérie veut se prémunir des terroristes revenant des zones de combat mais aussi de toute attaque ou enlèvement contre les travailleurs des gisements pétroliers.

En Libye, lundi 20 février, un accord a été signé à Tunis, entre les ministres des Affaires Etrangères tunisien, libyen, égyptien et algérien pour discuter d’une solution politique à la crise libyenne. La position de la Tunisie est claire: pas d’intervention étrangère. Une rencontre devrait bientôt avoir lieu entre le Président Essebsi et le maréchal Haftar. Mardi dernier, une réunion aurait déjà eu lieu au Caire entre Fayez al-Sarraj et Khalifa Haftar pour tenter d’entamer des négociations directes. L’accord de Skhirat de 2015 ne prévoyait aucun rôle pour l’homme fort de l’est, qui s’est depuis imposé comme interlocuteur incontournable au moment où le GNA n’a pas réussi à assoir son autorité sur le pays. Le texte pourrait être amendé pour remédier à cela et prévoir un rôle fort et central pour le maréchal. Il ne peut y avoir de règlement de la question libyenne sans pacification de la Tripolitaine, avec un gouvernement fort. Le choix des Russes et des Américains et plus discrètement des Européens semble clairement se porter sur l’homme capable de contrôler son territoire et d’éliminer les islamistes. L’Egypte le soutient depuis longtemps, refusant de voir les islamistes accéder à toute participation gouvernementale. Seule l’Algérie prône une solution plus longue à porter ses fruits mais qui inclurait toutes les parties.
Le chef du GNA, pour sa part, aurait annoncé qu’il souhaite que la Russie présente son aide pour sortir de la crise et serve d’intermédiaire entre lui et Haftar. Moscou pourrait souhaiter un rapprochement entre les 2 hommes, ainsi qu’un rapprochement entre Misrata liée à la Turquie et Haftar soutenu par la Russie. Se trouverait ainsi prolongé en Libye, le rapprochement russo-turc initié en Syrie mais toujours fragile sur place, notamment en raison de la question kurde. Les « victimes » d’une telle situation seraient alors les milices islamistes.
Depuis le 23 février, à Tripoli dans le quartier d’Abou Slim, de violents combats à l’arme lourde, opposent 2 milices rivales, l’une soutenant le gouvernement d’union nationale et l’autre dépendant de l’ancien Premier Ministre d’un gouvernement islamiste dit de salut national, Khaled al-Ghweil. C’est dans ce même quartier qu’avait été attaqué le lundi 20, le convoi de Fayez al-Sarraj, qui avait essuyé des tirs sans qu’il n’y ait de blessés.

En Tunisie :

Si nous évoquons longuement la situation en Libye qui évolue depuis la percée de la diplomatie russe en Syrie, c’est qu’il est indispensable de comprendre à quel point la situation de la Tunisie est liée à celle de sa voisine. La crise libyenne fait peser un risque sécuritaire énorme et une partition du pays , moins probable depuis que la Russie soutient Haftar et s’implique davantage, serait dramatique avec une Tripolitaine livrée au chaos et aux milices islamistes. De plus, cette crise représente un véritable manque à gagner pour l’économie tunisienne défaillante: perte de débouchés pour les travailleurs tunisiens sur le marché libyen, chute des échanges commerciaux, forte mobilisation de moyens financiers et sécuritaires etc…
Dans ce contexte, la prorogation de l’état d’urgence reste justifiée, selon les autorités, par les dangers qui menacent le pays. Notons toutefois qu’une partie de la société civile et des médias, s’inquiète des dérives possibles au moment où un rapport d’Amnesty International dénonce des dérives sécuritaires. Youssef Chahed a donc assuré que cet état d’urgence, serait définitivement levé après 3 mois.
Actuellement, la situation sécuritaire semble relativement stable pour un pays qui vit dans un état de menace permanent. Les démantèlements concernent principalement les filières de recrutement sur lesquelles les forces sécuritaires mettent la pression.
L’étude des chiffres publiés par le Ministère de l’Intérieur pour le début de l’année 2017, montre que, globalement, les dossiers de terrorisme sont en nette diminution alors que les affaires de contrebande ont, elles, presque doublé par rapport à la même période l’année passée; en effet, 150 dossiers de terrorisme ont été ouverts par le parquet de Justice contre 210 en 2016, alors que les affaires de contrebande ont presque doublé, 137 affaires déclarées au lieu de 92 et une augmentation de 48,5% des opérations avortées. Nous avions déjà évoqué la prise de conscience des autorités dans ce domaine.
L’autre question toujours suivie de près par les médias et l’opinion publique est celle des revenants. Là encore, on observe des arrestations hebdomadaires de jihadistes rentrés au pays. Rappelons que selon les informations publiées officiellement par le Ministère de l’Intérieur en janvier, il y aurait 2929 Tunisiens dans les zones de conflit, dont 300 classés comme dangereux. 1400 se trouveraient en Syrie, les autres étant dispersés entre la Libye et l’Irak. Certains pourraient également se trouver en Europe. Le ministère affirme avoir une liste nominative de chacun d’eux. Le Ministre des Affaires Etrangères affirme, quant à lui, qu’il existe une étroite coordination avec la Syrie à propos de ce dossier.
Nous apprenons cette semaine de source journalistique que 20 personnes originaires de Sousse et Kairouan, auraient tenté regagner le territoire en prétextant qu’elles poursuivaient leurs études en Turquie. Elles seraient arrivés en Tunisie par les aéroports internationaux. Après enquête, il s’est avéré que ces individus étaient en possession de faux diplômes délivrés en Libye. Toutefois, selon des sources sécuritaires, un terroriste tunisien; récemment arrêté en Libye, aurait avoué qu’en décembre et janvier, plusieurs dizaines de jihadistes auraient réussi à rentrer grâce à de faux papiers et à des diplômes falsifiés. Toujours selon des sources journalistiques, plusieurs dizaines se trouveraient actuellement en Tunisie ne pouvant ni être arrêtés ni faire l’objet de poursuites judiciaires car ils seraient munis de diplômes turcs. Certains feraient toutefois l’objet de mesures de contrôle. Ces informations restent à vérifier. Il a également été fait état cette semaine d’une information non confirmée, relayée par la presse, citant une source sécuritaire, du possible retour en Tunisie du chef d’Ansar Chariaâ, Abou Iyadh. Ce dernier aurait prévu de s’infiltrer sur le territoire en compagnie de 3 autres Tunisiens, afin de rejoindre le Mont Chaambi, dans le gouvernorat de Kasserine, où sont retranchés les membres d’Okba Ibn Nafaâ. Rappelons que les rapports sur cet homme sont nombreux, parfois contradictoires ou fantaisistes.
Depuis quelques temps, on observe une nette diminution des démantèlements de cellules prêtes à commettre des attaques de grande envergure et sérieusement planifiées. Toutefois l’activité des maquis dans les montagnes et les projets d’attaques contre des sécuritaires ne se démentent pas. Cette semaine, l’opération d’Aïn Fara et la mort de 2 terroristes remet justement en lumière ces groupes retranchés qui appartiennent essentiellement à Katibet Okba Ibn Nafaâ relevant d’AQMI et au mouvement Jond Al Khilefa, affilié à Daesh. Le premier opère dans les Monts Semmama, Chaâmbi, Berino à Kasserine et Sidi Aiche à Gafsa. Il compterait entre 37 et 45 membres dont 15 Algériens et des Tunisiens ou Mauritaniens. Ce groupe est considéré comme principal responsable de l’acheminement des armes vers les montagnes tunisiennes via les frontières tuniso-libyennes et vers les territoires algériens. Les terroristes se déplacent par petits groupes de 3 ou 4 et piègent leurs abris avec des mines artisanales. AQMI finance cette Katibet dont la plupart des membres opèrent sur le sol algérien. Le groupe Jond Al Khilefa serait, lui, composé de 30 à 35 hommes réfugiés au Monts Selloum et Mghila, dans les gouvernorats de Kasserine et Sidi Bouzid. Il est essentiellement composé de Tunisiens et d’Algériens dissidents du précédent. Il a été fortement ébranlé par la mort de son émir, Talal Saïdi, abattu en novembre dernier et par l’arrestation de plusieurs soutiens financiers et logistiques.
L’opération menée le 16 février a visé des membres de la Katibet Okba Ibn Nafaâ, montrant à cette occasion que les combattants auraient majoritairement quitté le Jebel Ouergha au Kef pour se regrouper dans les montagnes de Kasserine.

Recommandations :

la Tunisie est un pays qui vit avec un risque terroriste élevé permanent. Toutefois, les institutions sécuritaires ont fourni une lutte acharnée contre le terrorisme et les services de renseignement, mis à mal après 2011, ont beaucoup progressé. Depuis presque un an, la situation s’est considérablement stabilisée et permet de se déplacer dans une grande partie du pays avec des dangers limités même si le risque d’attentat ne peut être écarté. Ce qui nécessite de respecter autant que possible les consignes de sécurité. Les centres touristiques et les bâtiments publics restent des cibles potentiellement privilégiées même si mieux sécurisées. Il est également indispensable de garder à l’esprit que ces derniers temps, toutes les attaques perpétrées ou déjouées visaient principalement des cibles sécuritaires, ce qui impose de s’en tenir aussi éloigné que possible. Les maquis des zones frontalières et montagneuses restent, nous l’avons vu actifs et donc à éviter également à tout prix. De nombreuses opérations militaires s’y déroulent régulièrement et les accidents par mines sont fréquents. La zone sud du pays présente en outre un risque accru d’enlèvement.
D’importants problèmes sociaux non résolus et de fortes disparités régionales entraînent régulièrement de forts mouvements de protestations qui peuvent donner lieu à de vifs affrontements avec les forces de l’ordre. Dans certains cas, le gouvernement peut-être amené à décréter un couvre-feu. Il ne faut pas sous-estimer la détresse économique et sociale d’une grande partie du pays et les risques d’embrasement récurrents dans des régions comme Ben Guerdane, Kasserine, Sidi Bouzid…Traditionnellement, le mois de janvier est un mois socialement compliqué et à hauts risques. Concrètement, il y a bien eu une flambée de protestations et de violences sociales mais elle n’a pas semblé répondre à un réel mouvement généralisé et la situation est rapidement retombée plutôt calme en ce moment. Gardons toutefois à l’esprit que rien n’est résolu puisque la plupart des réclamations portaient sur le droit à l’emploi et au développement régional.
La prudence et la surveillance s’imposent dans ce pays qui fait face à d’énormes défis économiques, à un fort taux de chômage qui entraine un grand désespoir, et à la nécessité de développer les régions défavorisées. Les organisations terroristes comme l’Etat Islamique et Al Qaïda sont en constante mutation et les revers de Daesh sur les terrains libyen, syrien et irakien demande à être suivis de près, notamment dans un pays comme la Tunisie qui compte de nombreux jihadistes dans ses rangs et représente une cible de choix pour ce qu’elle représente. Par ailleurs, la situation en Libye reste toujours très incertaine et ses répercussions sur la Tunisie sont incalculables. Beaucoup de facteurs de risques à suivre, c’est évident, même si l’on se trouve aujourd’hui dans une situation plus stable que ces dernières années.

Les zones à risques :

Sont déconseillés, la région de Ben Guerdène ainsi que les zones montagneuses des Gouvernorats de Kasserine et du Kef, de Jendouba ainsi que le corridor routier reliant les villes de Kasserine et de Sidi Bouzid en passant par Sbeitla.

Il est également recommandé d'être très vigilent à Zarsis et Djerba, et d'éviter les zones du Grand Sud Nefta, Douz, Medenine. Ainsi que les régions du gouvernorat de Tatouine, du sud de Dehiba et d'el Borma. Tout voyage dans une zone désertique doit se faire avec une agence de tourisme officielle. Le risque d'enlèvement est particulièrement élevé dans ces régions.

Eviter les zones rurales comprises entre Kairouan, Kasserine et Siliana. Et de manière générale les zones proches des frontières avec l'Algérie et la Libye, dans un rayon d'au moins 30km.

Suivre les recommandations qui, en raison des risques de mouvements sociaux spontanés, conseillent de privilégier l'avion pour rejoindre les zones touristiques du sud-ouest.

Dans la capitale, rappelons qu'il est recommandé de se tenir à l'écart des rassemblements, des axes empruntés par les manifestations et surtout des bâtiments sensibles et en particulier sécuritaires.

sas.jpg

Authors get paid when people like you upvote their post.
If you enjoyed what you read here, create your account today and start earning FREE STEEM!