Majestueux, intense et admirable, la superbe œuvre musicale composée par Carl Orff en 1936 - les fameux Carmina Burana - est à l’affiche pour ouvrir la saison des Grands Ballets à la salle Wilfrid-Pelletier à Montréal. Nul doute que le public aura été enchanté, aussi bien par la qualité artistique de ses 40 danseurs sur scène que par les 70 musiciens de l’Orchestre des Grands Ballets et son chœur de 40 chanteurs dont 3 solistes exceptionnels. Le spectacle est majestueux tant du point de vue musical que dansé.
Carmina Burana et Stabat Mater © Sasha Onyshchenko
Les Carmina Burana, ce sont 24 poèmes en latin, en allemand et en français, dont le premier O Fortuna, entendu au début et à la toute fin, donne à lui seul la chair de poule. L’œuvre est célèbre pour sa puissance et sa beauté, et le chorégraphe roumain Edward Clug a su imaginer une œuvre dansée superbe et à la fois harmonisée et finement tressée avec la musique.
Réunis en cercle, les 40 danseurs revêtus de tenues flottantes rouges et noirs semblent entourer une grande vasque dans laquelle se reflète un immense objet circulaire en suspension dans le ciel. Est-ce une roue de la fortune comme le suggère le titre du premier poème? Ou bien un anneau gigantesque qui évoquerait le thème de l’alliance? Cet objet se déplace, descendant même jusqu’au sol pour servir aux danseurs de divinité déchue, de couronne ou de sièges. Dans de parfaites chorégraphies coordonnées ou par petits groupes, les mouvements des danseurs semblent évoquer le côté mécanique des comportements humains en groupe mais aussi leurs relations amoureuses ou de solidarité. Les interprétations peuvent être évidemment variées. La chorégraphie est contemporaine mais pour des artistes clairement formés à la danse classique. Les corps sont magnifiques, les couleurs sublimes. Avec ses chœurs et ses solistes émouvants, les Carmina Burana sont déjà enchanteurs à leur simple écoute. Il va sans dire qu’avec cette foule de danseurs sur scène on ne peut être que ravi.
Mais en première partie, avant un entracte de 20 minutes, les spectateurs auront la bonne surprise d’être invités à apprécier une autre œuvre musicale et dansée, et qui est presque encore plus belle que celle qui occupe le gros de l’affiche.
Je crois que je ne l’avais encore jamais entendue, mais l’œuvre de Giovanni Battista Pergolese composée en 1736 à l’âge de 26 ans, deux mois avant sa mort, m’a extrêmement émue. Stabat Mater est une œuvre écrite pour deux voix et les deux chanteuses dégageaient une sensibilité incroyable. Le thème est emprunté à la liturgie médiévale chrétienne de la souffrance de la mère de Jésus. Sur cette musique bouleversante, Edward Clug propose un ballet à la fois élégant et presque ironique. Les 40 danseurs bien différenciés entre les hommes en costumes noirs et les femmes en robes beiges légères présentent différents thèmes, de l’accouchement à la mort, en passant par le rejet et la souffrance. Le contraste entre la musique et la chorégraphie est audacieux mais très réussi. Il permet de sourire par moment tout en appréciant la profondeur et le recueillement suscité par l’œuvre musicale et chantée.
Du coup, en sortant de la salle, je ne savais plus si j’étais vraiment venue pour Carmina Burana ou pour être très agréablement surprise par cette première partie au moins aussi belle. Une chose est sûre, la soirée est superbe et le spectacle vaut le déplacement.
Carmina Burana et Stabat Mater, du 3 au 19 octobre 2019 à la salle Wilfrid-Pelletier à Montréal
Stabat Mater
Musique Giovanni Battista Pergolesi
Chorégraphe Edward Clug
Scénographie et costumes Jordi Roig
Carmina Burana
Musique Carl Orff
Décors Marko Japelj
Costumes Léo Kulas
Avec l'Orchestre des Grands Ballets, chœur et solistes
Chef d’orchestre Dina Gilbert
Informations : https://grandsballets.com/fr/
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