RE: La politesse: mode d'emploi

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La politesse: mode d'emploi

in fr •  8 years ago 

Bonsoir Anik! J'ai bien apprécié te lire. Je vis à Montréal depuis 13 ans et je suis francophone natif. Je viens de la région du Saguenay et j'ai appris l'Anglais assez tôt, assez bien, assez vite, pour la moyenne de ma génération et de ma provenance d'une région French à l'os haha!

J'avais une passion pour cette langue qui est devenue rapidement utile avec l'arrivée d'Internet dans ma vie en '97 (mon enfance a ainsi pris fin abruptement à 12,5 ans LOL!). Le Québec a mis du temps à ratrapper la tendance, il faut dire... Altavista m'a beaucoup aidé à traduire. J'ai ensuite tellement appris à lire les paroles de la musique pop que j'aimais. J'avais une facilité avec les langues comme avec la musique et mon oreille langagière était assez forte.

Pour souligner un premier point dans ce que tu disais : J'ai développé une attitude et une culture anglophone vraiment différente que le Michaël francophone. En Anglais, je suis Michael l'homme ouvert sur le monde, l'homme plus anglo-saxon que j'aurais pu être en naissant à Montréal-Ouest. Je m'exprime autrement, ce n'est pas du tout la même façon de penser non plus. Mon phrasé est différent. Mes mots. Les traductions ne sont pas littérales. J'en saisis à peine les différentes utilités.

Un autre de tes points qui me marque : la culture/politesse. EN et FR se ressemblent beaucoup en ce sens, surtout que les Québécois de descendance française coloniale ont des racines, une culture et une religion qui viennent du monde Latin, mélange unique avec la culture des britanniques puritains ayant émigré après la révolution américaine de 1776 (on devenait à peine la Province of Quebec sous occupation britannique). Mais justement, ici, le côté puritain a toujours été moins fort, d'où le rôle plus fort et naturel de la femme dans la famille québécoise avant notre "modernité" (1960+) et un machisme latin beaucoup moins fort qu'ailleurs dans le monde. Des tas d'immigrantes en sont déroutées : les hommes leur laissent tout l'espace et ELLES doivent les aborder, c'est une forme de code social de la drague non écrit.

Et justement, au niveau de la politesse, au Québec : Nous nous perdons TELLEMENT dans le conditionnel. Mêmes les serveurs au restaurant te demandent :
--Est-ce que nous serions prêts à commander?
--Est-ce qu'on aurait envie d'un dessert?
--Voudrions-nous une entrée avec ça?
--Si vous voudriez bien me suivre...

C'est exagérément poli à la française, mais de cette manière cordiale qui s'excuse presque d'exister et de vouloir servir l'autre ou de lui demander quelque chose alors que c'est son travail. La Russie me déboussolerait, mais me rafraîchirait sûrement par son approche directe dont nous pouvons apprendre certes. On "tourne autour du pot" vraiment au Québec, on évite les confrontations (car on gère mal nos émotions de latin emprisonnés dans des anglo-saxons lol) donc on est poli et on ne veut pas déplaire, mais ça change beaucoup et parfois le ton peut monter de manière épouvantable... La susceptibilité québécoise est à éviter, si tu viens ici tu suis l'étiquette française/brit et tout va bien!

Bref... on est tellement "hybrides" ici qu'on a une versatilité culturelle assez particulière. Et elle nous empêche de se voir différent des anglais, francais, américains... et ça peut faire des backlashs imprévus.

Exemples.

BÉMOL FRANCO : Une Française m'a déjà dit de "parler avec des vrais mots" et j'en étais bouche-bée et très vexé (susceptibilité québécoise lol + insulte à ma culture). Mais je ne réalisais pas que mon vocabulaire était en effet très différent du sien, aussi souvent. Elle n'avait pas la curiosité de nos dinstinctions de langue au Québec et n'a pas eu de sensibilité culturelle pour me le faire comprendre. Et moi je la prenais peut-être un peu trop pour une cousine...

BÉMOL ANGLO : Après plusieurs anecdotes vécues avec des canadiennes anglophones au Sri Lanka puis des américains au Cambodge, j'ai réalisé une chose : mon côté franco qui parle dans une 2e langue avec un groupe anglophone de 1ere langue anglo m'isolait dans un enfer de babbling incompréhensible. J'ai généralement beaucoup plus de facilité avec les anglophones à l'unité ou dans les groupes de gens de langues mixtes, ce qui tue la vitesse et le slang.

Aussi, la culture des amitiés H/F est différente en certains points et cela ne m'exclut pas même si je suis gay. C'était un choc en quelque sorte, j'ai été élevé dans un environnement où les femmes étaient très libres, émancipées et fortes, même dans les années 1980 en région au Québec. En fait, surtout là... Ma génération était très mixte, c'était très normal tout ça, de l'enfance jusqu'au collège.

Le Québec est vraiment un monde à part au Canada, d'où notre quasi-impossibilité de dire qu'on est canadiens AVANT de dire qu'on est québécois. Nationalistes ou non, les québécois francophones s'identifient à la culture pop anglophone et québécoise, mais pas vraiment à la culture politique de l'Amérique du Nord britannique. Nous étions le seul endroit où la prohibition de l'alcool n'est jamais arrivée au début du 20e siècle et avons les politiques les plus progressistes voire social-démocrates du continent (et du Canada).

De multiples façons, nous avons donné des couleurs socio-démocrates qui colorent le Canada de plusieurs façons. C'est pourquoi on est si différents des USA et qu'on peut parfois y avoir un petit sentiment de pays d'Europe du Nord. Surtout à Montréal.

En souhaitant que ça t'ait plu de me lire, suis moi si tu en a envie Anik!

Mick Xx

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Salut Michael! Eh ben, pour un commentaire c'est un commentaire!! Je te remercie de ce feedback et de ce post passionnant, car je l'ai lu comme un roman. La francophonie canadienne est à vrai dire celle que je connais le moins. Je ne la connais pas du tout à vrai dire, mon idée du français québécois se limite par le show "De beaux malaises" du comédien québécois Martin Matte que j'ai vu récemment sur le Netflix. Et maintenant j'en connais encore un peu plus grâce à ton post. Cette histoire du conditionnel au Québec m'a beaucoup amusée. Il me faudra donc en rajouter encore de la politesse une fois que je suis au Québec . Car j'espère visiter un jour le Canada et surtout le Canada francophone. Montréal en tout cas me paraît être une ville superbe. Ce que tu écris confirme plus ou moins ce que je m'imagine et me donne d'autant plus envie de venir visiter un jour. En tout cas, ravie de te rencontrer et au plaisir de te relire ici sur Steemit.

Ça fait plaisir! Si tu aimes lire ou écouter des séries ou films québécois, il me fera plaisir de t'en suggérer quelques uns qui représentent bien notre histoire et culture d'hier à nos jours. D'ailleurs cette année un film sortira pour le 375e de Montréal, le film Hochelaga par François Girard. Je pense que ce sera une belle pièce d'anthologie. A bientôt! :)

Des suggestions de films et de séries, c'est super. Merci et à bientôt!