Je ne sais pas si je suis le seul dans ce cas mais, depuis la tragédie de Nice et l’épouvantable carnage survenu le soir du 14 juillet sur la Promenade des Anglais, j’ai un goût amer dans bouche quand j’écoute les déclarations de nos leaders politiques.
Plus que je ne l’ai jamais éprouvé, je me sens totalement manipulé par une cohorte de responsables qui font tout pour que je ne vois pas ce qu’il y a à voir et que je regarde ailleurs.
Depuis que ce type a percuté des centaines d’innocents avec son camion et avant même que l'enquête ne révèle ses premiers éléments, le Président de la République d’abord puis le Premier Ministre ensuite, celui de l’intérieur et tous ceux qui se sont exprimés rapidement nous ont servi sur un plateau la thèse bien convenue de l’attentat terroriste islamiste fomenté par DAESH.
C’était sûr, le type portait un nom arabe, il avait la nationalité tunisienne, et puis il avait tué comme les islamistes le préconisent dans leurs appels au meurtre. CQFD.
CQFD, mon cul !
Depuis deux ans, nous vivons certes sous la menace d’un groupe terroriste d’une puissance et d’une organisation inédites, notre pays a été frappé en plein cœur de façon bien réelle mais cela ne doit pas pour autant nous autoriser à attribuer à ces fanatiques toutes les violences auxquelles nous devons faire face.
D’après les témoignages que les enquêteurs récoltent (et dont on veut bien nous faire part), le type qui a tué toutes ces personnes à Nice n’était pas un djihadiste et n’avait aucune pratique religieuse extrémiste.
Je n’ai aucun élément particulier mais il me semble que c’était plutôt un délinquant, sans autre conviction idéologique que l’extrême rage de sa condition personnelle, décidé à passer à l’acte pour des raisons bien étrangères à une hypothétique guerre sainte.
Pourquoi alors le présenter depuis deux jours comme un radicalisé express aux ordres de DAESH et pourquoi nous servir cette version comme la seule version officielle ? Je crois que ça arrange bien ceux qui nous gouvernent car il faut à tout prix cacher quelque chose de beaucoup plus énorme.
Avoir un ennemi qui vient d’ailleurs et que l’on peut facilement pointer du doigt en Syrie, en Lybie ou autre, est bien plus facile à gérer que d’avouer que des enfants de la république, des hommes qui vivent dans nos villes, qui sont nos voisins, partagent notre quotidien, ont une telle haine en eux contre la société qui les entoure, qu’ils sont prêts à de tels carnages.
Larguer des bombes sur la tronche des rebelles en Irak, c’est beaucoup plus simple que de regarder en face la société que nous avons enfantée et qui porte en son sein les germes de cette violence.
Attention, ne vous méprenez pas, je n’excuse pas l’auteur de ces crimes en lui trouvant la moindre circonstance atténuante. Je dis seulement qu’il faut cesser de regarder uniquement au-delà de nos frontières pour tenter d’y percevoir la racine du mal.
Il faut regarder ici, dans nos villes, nos quartiers, nos banlieues : l’incommensurable dureté de nos sociétés alliée à l’insolente efficacité de communication de ceux qui veulent nous exterminer ont fait naître une menace intérieure bien réelle et capable de toutes les atrocités, comme nous venons de le voir à Nice le 14 juillet dernier.
Nous avons chez nous des centaines, voire des milliers d’individus, dévastés par la haine et prêts à s’aventurer sur les chemins de cette violence aveugle. Ce n’est ni un fait religieux, ni une menace exotique.
Cela ne fait aucun doute dans mon esprit, ces crimes vont se reproduire et nous allons devoir vivre avec encore quelques années.
Nous n’avons pas d’autre choix que de l’admettre, nous sommes en guerre avec une partie de nous-mêmes, pas avec l’extérieur, et nous ne pourrons pas continuer à faire comme si nos sociétés étaient des havres de paix si elles n’étaient perturbées dans leur harmonie par ces barbus fanatisés sur les terres du Moyen-Orient.
C’est trop facile de présenter les choses ainsi et cela ne nous rend pas service que d’essayer de nous convaincre que les origines du danger sont lointaines.
Alors je n’ai pas aimé la manière avec laquelle tous les politiques, de droite comme de gauche d’ailleurs, se sont exprimés depuis jeudi dernier.
Parce qu’ils savent quelle est leur responsabilité dans la décomposition de nos sociétés, parce qu’ils comprennent sans doute aussi qu’ils sont pour le moment impuissants à endiguer ce phénomène, ils préfèrent nous présenter un monde binaire où l’enfer, c’est toujours les autres, pour paraphraser Jean-Paul Sartre.
Cette façon de communiquer fait le lit des mouvements populistes qui sont trop contents après de pouvoir agiter le chiffon rouge de l’immigration pour, là encore, tenter de nous mettre dans le crane que le danger vient de l’extérieur.
Il serait temps que quelqu’un ait le courage politique de nous dire les choses telles qu’elles sont et de reconnaître avec l’humilité nécessaire à l’ampleur de la tâche, qu’il faut œuvrer au sein de nos sociétés, pour que de tels crimes ne puissent plus jamais être perpétrés.
A suivre…
Source: http://www.ginisty.com/Nice-chronique-d-une-manipulation-pour-raison-d-etat_a1204.html