Un travail plein d'amour : Mai Nagamatsu ‘rape’ manuellement tous ses katsuobushi (bonite à ventre rayé séchée et rapée) sur commande. Quatre variétés sont à sa disposition pour le plaisir gustatif des convives.
Quand on parle de fruits de mer, on a tous nos favoris. Il peut s'agir de maguro sushi (thon), d'anguille grillée au charbon de bois (unagi), d'un steak de saumon ou d'un joli filet de plie poêlée. Mais pour Mai Nagamatsu, il n'y a aucun doute : Son poisson préféré est le katsuo (bonite à ventre rayé).
C’est ce qui ressort du nom qu'elle a donné à son comptoir de petit déjeuner, ‘Katsuo Shokudo’ (‘’Repas bonite’’). Mais ne vous attendez pas à des plateaux de sashimi étincelants, à des bonites grillées (tataki) ou même à des accompagnements de poisson cuit. Nagamatsu se concentre sur le katsuobushi (des petits morceaux de bonite à ventre rayé séchée et rapée), ces blocs de bonites séchées ont longtemps été la principale source d'assaisonnement délicieux au Japon.
Le processus traditionnel de fabrication des blocs de bonite séchée est long et exige beaucoup de travail, impliquant chaleur, fumée, moisissure et une expertise considérable dans la fermentation pour transformer le poisson cru en un concentré de qualité délicieux. Râpé en lamelles aussi fines que du papier - souvent surnommées à tort en anglais ‘’bonito flakes’’, ‘’bonite en flocons’’, (la bonite et la bonite au ventre rayé sont deux espèces de poissons différentes) - c'est la source essentielle de saveur du bouillon de soupe qui sous-tend toute la cuisine japonaise.
---> Photo : Simple mais satisfaisant : Un bol de katsuobushi fraîchement rapé sur du riz. Photo : Robbie Swinnerton
Nagamatsu, une femme énergique, habituellement souriante, un bandana et un t-shirt qui proclame ‘’Katsuo 100%’’, s'est donné pour mission de célébrer et de faire connaître cet ingrédient traditionnel et les artisans qui utilisent encore des méthodes séculaires pour le produire. Katsuo Shokudo, le restaurant qu'elle a ouvert à Shibuya à l'automne 2017, est maintenant le principal véhicule de son évangélisation - et il est tout aussi peu conventionnel qu'elle.
Pour commencer, il n'ouvre qu'à partir du milieu de la matinée jusqu'aux alentours de midi, et fonctionne de trois à cinq jours par semaine, en fonction de ses autres activités. Elle travaille derrière un comptoir étroit de huit places qui revient chaque soir à son incarnation originale de bar. Et elle encombre l'espace de livres et d'articles sur le katsuobushi, et même des peluches souples aux formes de bonite à ventre rayé.
Mais son geste le plus radical est qu'au lieu d'utiliser des flocons prédécoupés, elle ‘rase’ elle-même tous les katsuobushi à la main, à l'aide d'un ‘’plan’’ classique dans une grande boîte qu'elle place devant et au centre dans sa cuisine ouverte.
Elle garde à portée de main quatre différents types de katsuobushi - chacun produit d'une manière différente ou à partir de poissons de provenance différente - en distribuant des échantillons pour que vous puissiez goûter celui que vous voulez pour votre repas. Puis elle prend un tas de ces copeaux aromatiques et les empile sur votre bol de riz jusqu'à ce qu'ils dansent et se tordent sous l’effet de la chaleur du grain cuit en dessous.
---> Photo : Rise and shine : Le petit déjeuner au Katsuo Shokudo, avec une portion supplémentaire d'omelette japonaise (tamago dashimaki). Photo : Robbie Swinnerton
C'est la pièce maîtresse de votre petit déjeuner de 800 yens au Katsuo Shokudo. Le reste du repas suit la formule japonaise classique : Une portion de cornichons nukazuke faits maison, de la soupe miso préparée à partir d’un bouillon fait - bien sûr – à partir des mêmes flocons que les katsuobushi de première qualité, plus (comme supplément facultatif ¥150) le jaune doré d'un oeuf cru à mélanger à votre riz.
Pour quelques centaines de yens de plus, Nagamatsu propose aussi une version légèrement plus luxueuse de son repas de base, complétant votre plateau avec un plat d'accompagnement de tamago dashimaki, une omelette épaisse et moelleuse presque aussi molle que du soufflé que je vous recommande fortement.
Déguster, c'est croire. Une fois que vous aurez essayé le katsuobushi de première qualité fraîchement rapé quelques instants auparavant, avec sa saveur formidablement délicieuse et son arôme riche en bacon, vous ne serez peut-être plus jamais satisfait des alternatives moins chères et commerciales. Vous risquez de fuir le bouillon instantané commercial et de bannir à tout jamais le coup de pouce synthétique et unidimensionnel des exhausteurs de goûts industriels.
Même si vous ne parlez pas bien le japonais, l'enthousiasme de Nagamatsu est contagieux. Vous pourriez même être tenté de sortir et d'acheter votre propre équipement, et de lire ce qui rend le katsuobushi traditionnel si spécial.
Au minimum, il est probable que vous planifierez une autre visite au Katsuo Shokudo. Mais avant de le faire, assurez-vous de vérifier le calendrier que Nagamatsu affiche sur son Instagram.
Robbie Swinnerton