Extrait d'une discussion sur la schizophrénie du forum "La conscience" de l'association Unefpe :
Christophe PAROT 20 août 2016 10:27 PUBLIC
Spiritual emergency
https://aeon.co/essays/treating-acute-psychosis-with-drugs-can-prolong-the-anguish
Quel est le point de vue de Lacan sur la schizophrénie ? et le votre ?
Serge Chappellaz 20 août 2016 14:18
Questions fondamentales sur la maladie psychique et sa prise en charge évoquées par... un vieux psychiatre.
Évolution de la psychiatrie sur les quarante dernières années à laquelle j'ai assisté moi-même avec mon regard de généraliste qui s'intéressait à "la chose psychique"...
Ne serait-ce que pendant mes études, en troisième année de médecine, j'ai gardé un souvenir très précis d'un cours de pharmacologie où un professeur raillait allègrement la prise en charge psychothérapique de la dépression par des imbéciles qui se prenaient la tête à rechercher des causes impossibles alors que quelques semaines de prise de la molécule miracle appropriée suffisaient à faire disparaître tous les symptômes...
Plus tard, en stage de psychiatrie, un autre professeur, beaucoup plus sensé, nous enseignait que la dépression n'était qu'un "symptôme" et pas une maladie qui vous tombait dessus comme un virus... mais rien n'y a fait. Petit à petit, les quelques ceux qui cherchaient encore à "se prendre la tête" et rechercher les causes dans l'histoire des individus "malades" ont fini d'être ridiculisés. L'industrie pharmaceutique a réussi son OPA sur la "maladie" pour faire son beurre. La dépression a acquis son statut de "maladie" et en pluss, miracle (!) on a trouvé des molécules avec beaucoup moins d'effets secondaires et il n'est plus rare du tout de voir des gens passer le restant de leur vie en prenant tous les jours des antidépresseurs.... rente à vie....!!
Tu présentes la question par l'abord de la schizophrénie ce qui n'est pas vraiment le sujet par lequel j'ai abordé moi-même ma réponse. Mais je voulais souligner l'évolution observée de la psychiatrie.
Classiquement, il est admis que les maladies telles que la schizophrénie relèvent des "psychoses" que l'on opposait aux "névroses". Elles sont caractérisées par "les délires" qui semblent marquer d'une rupture complète d'avec la réalité. Leur manifestations peuvent être à l'origine d'une grande perturbation des relations et de "l'ordre public" et la "correction" des manifestations gênantes relève de la catégorie médicamenteuse des "neuroleptiques" qui sont de véritables camisoles chimiques et conduisent (de façon caricaturale) la vie psychique à l'état de celle des légumineuses...
Pour ceux qui "se prenaient la tête" sur les causes de l'apparition de ces manifestations "pathologiques" dans la vie des individus, il était admis que l'âge auquel le bébé subissait "des traumatismes" dans ses relations avec son entourage jouait un rôle fondamental. Plus ces traumatismes survenaient tôt dans la vie, plus graves étaient les manifestations à l'âge adulte avec des psychoses résultant des traumatismes des toutes premières années et les névroses pluss concernées par des stades de développement pluss tardifs où, entre autre, la différence entre les sexes était "acquise" (l'angoisse du psychotique est qualifiée d'angoisse de "morcellement", là où celle du névrotique est de l'ordre de "la castration"...).
Et enfin, et plus en phase avec le sujet tel qu'abordé, après ces généralisations très approximatives et critiquables.... on a compris que la psychiatrie moderne ne s'intéresse plus qu'à une seule finalité : celle de "faire taire les symptômes gênants" et que tout le monde y trouve son compte à part le "malade".
Mais..... en voulant bien "écouter" ce malade et ce qu'il exprime... on découvre que des psychotiques, dans leurs délires, s'apparentent à de véritables génies avec possiblement une conscience très supérieure aux communs des mortels de la horde normative....
L'un d'eux a fait l'objet d'études très intéressantes et célèbres grâce à Freud : il s'agissait du président Schreber...
https://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Paul_Schreber
Voilà les quelques idées que le post m'inspire, à chaud....
William Theaux 20 août 2016 16:36
Question immense, abyssale. La façon d’y voir est affectée d’une loi semblable à l’illusion d’optique des escaliers, d’un relief ou d’un mouvement qui selon telle ou telle disposition que prend le cerveau (ou le corps) sont vus dans un sens ou dans l’autre, dans une orientation ou l’autre (ref.type.Escher, escalier de Penrose). Et même cette "façon de voir" - ici définie – s’inverse-t-elle également, dans une option alternative : c’est par manque d’ubiquité que la schizophrénie se déduit. Passons à l’expérience : Kraepelin fut le psychiatre qui découvrit la schizophrénie, comme Pasteur la vaccination. Dans sa démonstration a) le psychiatre fait venir un malade, b) le jeune homme le traite de grosse baleine c) Kraepelin prouve que cet homme est halluciné parce qu’il voit des baleines d) ledit homme devient fou – et ledit psychiatre achève sa démonstration en certifiant qu’il le sera pour toujours, atteint d’une maladie incurable, évoluant inéluctablement vers la démence. C’est la Démence Précoce qu’on appelle schizophrénie. Quant à Lacan, il n’en a pas beaucoup parlé ; l’objet de sa démonstration fut la paranoïa. En effet il a été possible de catégoriser les psychoses : paranoïa, schizophrénie, hallucinatoire chronique, bouffée et mélancolie, maniaco-dépressive.. c’est à peu près tout. La paranoïa présente cet avantage de dessiner la maladie dans un milieu mental sain, comme par exemple une méduse transparente dans l’eau par rapport à la même eau limpide qui bouillonne à gros bouillons. Avec de bons yeux on arrive dans le premier cas à distinguer quelque chose ; Lacan y a vu un trouble de la métaphorisation. C’est bien que que Kraepelin constatait, en voyant, lui, des baleines. C’est aussi ce que je montre en parlant de l’objet schizophrénique sans ubiquité sous la métaphore de la méduse. Ce n’était qu’une image. Donc une hallucination ? On voit donc qu’en montant seize S, cas liés, on aurait une chance d’arriver à telle construction eschérienne/penrose–
ce qui mène au nombre d’étudiants en cage, ou aux neurone miroirs ou à quelque paradoxe quantique. On ira donc chercher des dimensions supplémentaires ; celle du génie qui a armé l’URSS de bombes atomiques avant de devenir l’humaniste précédent J.Assange (
) mais après internement (Sakharov fut le modèle type du dissident psychiatrisé) et ladite schizophrénie étudiée par l’antipsychiatrie de Cooper/Laing, puisée à la logique sérielle de J.P.Sartre (voire Fleuve et pourquoi c’est en réalité un traité sur la monnaie). Cette série des étudiants qui font la chaîne dans l’escalier de Penrose a donc été, si on me suit, tournée par Lacan en bande de Moebius ; et c’est cette bande qui a fait par la suite la Fondation Armando Verdiglione, lequel a directement répondu à la conversation de Christophe à Serge. Oui, cet élève de Lacan, Armando, a pointé du cas Schreber, le cas d’un des premiers bénéficiaires de la chimie psychiatrique qui débutait à son époque ; d’où il a conclu que c’était probablement cette chimie qui avait entretenu sa maladie. Sa démonstration s’est appuyé, sur la suggestion de Lacan, sur une notion qui fut appelée Semblant – notion que sur la suggestion d’Armando j’ai à mon tour identifié à la monnaie. On mesure donc la proximité où nous arrivons de changements majeurs, d’optique et/ou de perspective, mais, pour bien nous accrocher durant le bouleversement qui s’engage, il sera bon de garder en mémoire, si je peux me permettre d’y fournir ce que j’ai vu : l’introduction de la chimie psychiatrique dans les grandes nefs de la folie. Jeune étudiant j’ai – le temps d’une brève fenêtre – assisté à la transformation qui a permis de libérer des gens enfermés depuis de longues années dans des asiles cadenassés. En un laps de temps très bref les « médicaments » ont apporté un soulagement immense et réhumanisé beaucoup. Ensuite, évidemment, comme avec toute drogue, on a vu les retours de masses nivelées.
Christophe PAROT il y a environ 10 heures
Xavier Amador dans son bouquin 'I am not sick, I don't need help" dit que le plus important est de traiter les malades, car sinon, ils rechutent et leur état s'aggrave.
Seriez-vous d'accord pour mettre tout ça dans un post Steemit ? des centaines de milliers de familles sont complétement désemparées et cherchent à comprendre. Il me semble que la présentation des différents points de vue éclairent le débat. Point de vue auquel il faut rajouter celui de la médecine chinoise, bien sur.
Compte-rendu de la conférence du 16-6-16
http://cannecy.free.fr/maladiementaleetMTC.pdf