Le devoir de produire en quantité et en qualité

Quand j’étais toute petite, j’ai économisé longtemps pour pouvoir m’acheter le livre contenant TOUTES les fables de Lafontaine. J’étais tellement impressionnée, cet homme avait trouvé l’imagination pour créer 243 fables. Lafontaine avait écrit tant d’histoires, imaginé tant de comparaisons animalières que le livre les contenant pesait plusieurs livres. De quoi impressionner un enfant pour longtemps.

J’ai passé des heures à utiliser les droits du lecteur pour profiter de cette œuvre. J’ai lu en diagonale certaines fables. J’en ai appris d’autres par cœur que j’ai fini par oublier dans le dédale de mon adolescence. J’y suis revenue quelques fois. J’ai retenu plusieurs morales, plusieurs leçons de vie. J’ai été inspirée. J’ai passé des heures à rêver ce livre à la main. Lafontaine a beaucoup influencé l’enfant que j’étais.

Par ailleurs, le premier recueil de fables de Lafontaine était destiné au fils du roi Louis XIV âgé de 6 ans à l’époque. Lafontaine voulait créer une lecture agréable, utile et sérieuse. Il voulait influencer cet enfant. Il a réussi à créer une œuvre qui a influencé des générations d’enfants francophones.

Jean de Lafontaine a publié ses fables sur 26 ans (de 1668-1694). Cela veut dire qu’il a composé 243 fables en 9134 jours pour une moyenne d’une fable par mois. Ce petit calcul m’a fait une claque. Ça me permet de constater l’évidence. Pour arriver produire de la qualité, il faut prendre le temps nécessaire pour le faire.

Dire que sur YouTube on recommande de sortir 1 à 2 vidéos par semaine. Dire que sur Facebook, Instagram, Snapchat et même ici, sur Steem, on recommande une présence quotidienne. Plus d’un millier de publications par année, c’est vraiment ce que l’on demande aux influenceurs d’aujourd’hui pour percer?

Il est impossible de créer de la qualité, de l’originalité, de l’extraordinaire tous les jours, surtout dans une équipe d’une seule personne.

Tu veux transmettre des connaissances, des histoires, de l’art, de l’imaginaire, du savoir-faire, des réflexions sur internet? Trouve une bonne idée par jour et produits là en différentes versions pour différents médias, différents publics, différentes plateformes.

Tu n’y arrives pas? Fragmente ton message en millier de petites publications.

Tu ne veux pas parce que ça dénaturerait ton message? Prends en photo ton déjeuner et demeure présent pendant que tu travailles à faire de la qualité en bonne quantité.

Tu trouves que ça ajoute à ta charge mentale? Ben, c’est la vie.

Internet permet quelque chose qui était impossible à l’époque de Louis XIV. Lafontaine avait du talent et a pris le temps qu’il faut pour l’exploiter. Mais pour influencer le fils du roi, ça prend plus que ça. Il faut provenir d’un milieu permettant d’atteindre son public. Je n’aurais probablement jamais économisé pour acheter son livre au 21e siècle s’il n’avait pas été « quelqu’un », s’il avait été le fils d’un paysan moyen, et ce même s’il avait écrit les mêmes fables dans les mêmes mots. Je suis d’ailleurs plus que convaincu que des trésors d’imaginations ont été ignorés parce que le porteur de l’idée n’avait pas la crédibilité d’être publié. Des tonnes de pépites d’or qui ont passé au travers les tamis de l’humanité.

Ce qu’il y a de beau avec internet est que la production et la distribution sont maintenant permises à la masse. Les pépites sont maintenant autonomes, elles peuvent sortir du sol d’elles-mêmes. Cependant, la plupart passeront sous le radar et finiront noyées sous la masse de pépites et de cailloux tentant de tirer profit de leur autonomie, une photo de déjeuner à la fois.

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Lafontaine: http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/fables.htm

Les droits du lecteur: http://rustrel.free.fr/lecteur.htm